Partout dans le monde, les bénévoles et volontaires du Mouvement Croix-Rouge Croissant-Rouge sont en première ligne de la réponse à l’épidémie de Covid-19. Pourtant, peu de travaux de recherche s’intéressent aux ressorts et dynamiques qui soutiennent leur engagement, ou aux éléments qui influent sur leur santé physique et psychologique, au regard notamment du flot d’informations qui caractérise les situations épidémiques.

Pour répondre à ces enjeux, la Fondation s’est rapprochée de l’Institut Pasteur dès le début de la crise sanitaire afin d’unir nos moyens et d’initier ensemble des projets de recherche nous permettant d’améliorer la connaissance scientifique des impacts sociaux de cette crise, ainsi que d’éclairer les réponses opérationnelles qui y sont apportées. Nous avons ainsi co-construit le projet RCCOVID avec l’équipe du Dr Tamara Giles-Vernick, directrice de l’unité « Anthropology & Ecology of Disease Emergence Unit » (Anthropologie et Écologie de l’Émergence des Maladies).

L’objectif de ce projet multi-acteurs est de mener une étude anthropologique auprès des agents de santé et bénévoles de la Croix-Rouge française et d’étudier les dynamiques qui soutiennent leur engagement face à cette crise.

Organisme de recherche mondialement reconnu dans la lutte contre les épidémies, l’Institut Pasteur s’appuie sur des équipes multidisciplinaires, dont des spécialistes des sciences humaines et sociales. La Fondation est heureuse de s’associer à l’Institut Pasteur dans le cadre de ce projet et de pouvoir démontrer à cette occasion l’importance de la recherche en sciences humaines et sociales pour accompagner la réponse d’urgence. La convention de partenariat vient d’être signée par M. Stewart Cole, directeur général de l’Institut Pasteur, M. Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix-Rouge française et Mme Virginie Troit, directrice générale de la Fondation.


3 questions à Tamara Giles-Vernick…

Docteure en anthropologie à l’Institut Pasteur, coordinatrice du projet de recherche RCCOVID

On connait principalement l’Institut Pasteur pour la recherche médicale, l’étude des maladies et des vaccins. Pouvez-vous nous expliquer la place que prennent les sciences humaines au sein de l’Institut et le rôle qu’elles y jouent ?

Tamara Giles-Vernick : Bien que l’Institut Pasteur soit avant tout connu pour ses recherches biomédicales, il a également été reconnu pour ses contributions au domaine de la santé publique, et plus récemment à celui de la santé globale. Les sciences sociales ont un rôle crucial à jouer dans ces deux domaines. Elles rapportent les perceptions communautaires des flambées épidémiques et des dispositifs visant leur contrôle. Elles permettent d’explorer les déterminants socio-économiques des épidémies et d’évaluer les capacités du système de santé. Au sein de l’unité des sciences sociales de Pasteur, nous avons mené de nombreuses recherches en Afrique et ailleurs concernant des sujets variés, portant notamment sur la façon dont certaines maladies émergent parmi les populations, les déterminants de la malnutrition infantile et des retards de croissance, et le diagnostic viral de l’hépatite, son traitement et sa prévention.

L’Institut Pasteur s’est fortement mobilisé pendant la crise et a initié ou lancé plusieurs projets de recherche en interne ou avec des organismes partenaires. Quels sont les grands axes de cette mobilisation en ce qui concerne les sciences sociales ? Pouvez-vous nous dresser un rapide état des lieux des projets en cours ?

TGV : Nous sommes impliqués dans plusieurs activités liées à la crise du COVID-19. Bien sûr, il y a le travail que nous faisons avec la Croix-Rouge française (voir ci-dessous), mais nous sommes aussi les coordinateurs de SoNAR-Global, un réseau mondial regroupant des spécialistes des sciences sociales travaillant sur la préparation et la réponse aux épidémies. Le réseau, financé par la Commission européenne, compte 11 partenaires en Europe et dans le monde, dont deux en Afrique et deux en Asie du Sud et du Sud-Est. Le réseau diffuse non seulement des ressources utiles sur les dimensions sociales du COVID-19, mais effectue également des évaluations sur la vulnérabilité et s’attelle à comprendre qui est le plus vulnérable et pour quelles raisons, ce afin de travailler avec les autorités compétentes et d’autres acteurs pour mieux répondre à leurs besoins.

Vous avez accepté d’unir vos moyens avec ceux de la Fondation Croix-Rouge française pour co-construire un projet de recherche et mener une étude anthropologique auprès des agents de santé et bénévoles de la Croix-Rouge française. Pourquoi un tel partenariat avec la Fondation et la Croix-Rouge dans le contexte de la pandémie ? Quelle nécessité de travailler avec les sciences sociales sur les publics en première ligne comme les bénévoles ?

TGV : Nous sommes ravis de travailler en collaboration avec la Fondation Croix-Rouge française ! Notre collaboration avec la Fondation nous permet de mieux comprendre les priorités, les opportunités et les défis auxquels sont confrontés la Croix-Rouge française en tant qu’institution aussi bien que les acteurs de soin et les bénévoles sur lesquels cette institution compte. En travaillant en étroite collaboration avec la Fondation, nous veillons à ce que les recommandations que nous développons ensemble soient fondées sur les réalités de l’action de la Croix-Rouge et des personnes qui s’engagent auprès de l’institution. Ce type de travail ancré dans les réalités du terrain est absolument crucial au cours de la pandémie actuelle : elle nous permettra d’être plus réactifs et plus efficaces à un moment où les contributions des acteurs de soin et des bénévoles de la Croix-Rouge française sont si indispensables.