Dans la perspective de son 30numéro à paraître en novembre 2025, la revue Alternatives Humanitaires lance un appel à contributions pour son dossier qui sera consacré au thème « L’aide internationale menacée : quelles conséquences, quelles réponses, quelles recompositions ? ».

N°30 – Novembre 2022 : « L’aide internationale menacée : quelles conséquences, quelles réponses, quelles recompositions ? »

Un dossier/Focus copiloté par Francois Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire, membre du Conseil scientifique d’Alternatives Humanitaires, – Jean-François Corty – médecin, président de Médecins du Monde et chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et à l’Institut Convergences Migrations et Stéphanie Tchiombiano – maîtresse de conférence associée du département de science politique de Paris 1 Panthéon Sorbonne, membre du conseil scientifique d’Alternatives Humanitaires –, avec Boris Martin, rédacteur en chef

 

Nul ne l’ignore désormais, la deuxième présidence des États-Unis de Donald Trump marque une transformation radicale du paysage mondial. Ses initiatives controversées et ses déclarations fracassantes redessinent l’équilibre géopolitique. La solidarité internationale et l’action humanitaire sont particulièrement touchées. Le gel de l’aide américaine (incluant le President’s Emergency Plan for AIDS Relief, PEPFAR, le plan d’aide d’urgence à la lutte contre le sida à l’étranger) et le démantèlement de USAID, l’agence de coopération américaine, ont provoqué l’arrêt brutal de 92 % des projets que cette dernière soutenait. Cette décision, tellement brutale qu’elle engage déjà et engagera dans les mois à venir la vie de milliers de personnes, s’inscrit dans une remise en question systémique de l’aide publique au développement à l’échelle mondiale. Cette crise de l’aide internationale intervient dans un contexte déjà sensible, et légitime, de questionnements éthiques sur une certaine dimension paternaliste ou néocoloniale de l’aide qui participerait, in fine et bien malgré elle, à renforcer les inégalités qu’elle est sensée combattre. On peut émettre l’hypothèse que cette conjoncture n’est pas anodine et qu’elle ouvre la voie à des réactions contrastées selon les continents.

Ces coupes dans l’aide du plus important bailleur au monde ont des conséquences d’autant plus catastrophiques pour les organisations d’aide internationale, toutes catégories confondues, qu’elles s’ajoutent aux baisses drastiques déjà observées au Canada et dans plusieurs pays européens ces dernières années. L’Europe suit en effet, quand elle n’a pas devancé, cette tendance de repli. Ainsi la France avait-elle annoncé dès 2024 une réduction de 35 % de son budget d’aide pour 2025. Différents États d’Europe, de la Suisse aux Pays-Bas en passant par le Royaume-Uni ou la Belgique, s’engagent dans de semblables réductions, souvent pour soutenir leur réarmement. L’Union européenne elle-même pourrait suivre ces initiatives nationales.

Mais l’impact ne se limite pas à la réduction des financements puisque celle-ci prend la forme d’un ciblage idéologique de certains secteurs : l’humanitaire, bien sûr, mais aussi l’égalité de genre, les identités sexuelles, les droits humains ou encore l’écologie et l’environnement. Au-delà, ce sont la santé publique, le système multilatéral, la science et la démocratie qui font l’objet d’attaques ciblées.

Il s’agit aussi d’une remise en cause délibérée des normes, des principes et du droit international humanitaire (DIH). Aussi contesté ou détourné fut-il, et ce depuis sa création, le DIH offrait jusqu’à présent un cadre pour protéger les organisations humanitaires et limiter au mieux l’influence de certains acteurs et des régimes autoritaires. Le mouvement actuel crée un vide que des groupes criminels, des mouvements extrémistes et des puissances s’empressent déjà d’exploiter ou que des mouvements populistes investiront, transformant l’aide en une forme de soft power clientéliste, opportuniste, discriminatoire, voire malveillant. Dans un contexte de tensions croissantes, où les crises migratoires, les conflits armés et le changement climatique s’intensifient, l’affaiblissement de l’aide ne peut que favoriser l’aggravation de la situation dans les pays les plus fragiles. Et ce d’autant que ce mouvement s’accompagne de positions résolument hostiles à des juridictions à compétence universelle. Il en va ainsi des menaces américaines contre la Cour pénale internationale, relayées par exemple par la sortie du Statut de Rome décidé par la Hongrie de Viktor Orban.

Pour les ONG, c’est un bouleversement complet de l’architecture de l’aide sur laquelle elles s’appuyaient depuis des décennies. Un effet papillon se fait ressentir qui, de décisions abruptes prises à Washington et ailleurs, produit ses conséquences partout dans le monde, jetant des structures d’aide au bord du décrochage, les incitant déjà à des mesures de chômage, à des fermetures de programmes. Car le gel brutal des fonds américains ne touche pas seulement l’aide en provenance des États-Unis, ni même les seules organisations américaines : il affaiblit la plupart des organisations à travers le monde, notamment les ONG françaises, particulièrement impliquées dans les zones de crise.

Les agences humanitaires onusiennes sont également fortement impactées, qu’il s’agisse du Programme alimentaire mondial, de l’Organisation mondiale de la Santé, de l’Agence des Nations unies pour les Réfugiés ou de l’UNICEF sans parler de certains États fragiles qui dépendaient des fonds américains pour maintenir leurs programmes humanitaires, mais aussi sociaux ou sanitaires.

Les organisations locales des pays en difficulté sont aussi durement touchées par l’ampleur sans précédent de la crise. Et comme une double peine, cette crise hypothèque la dynamique, pourtant déjà poussive, de la localisation dans sa vocation à transférer davantage de financements et d’autonomie organisationnelle aux ONG du Sud global. Ce vide constitue une opportunité pour d’autres canaux de financement qui doivent être observés et documentés.

Au final, ce sont les populations les plus vulnérables qui paieront le prix de ces décisions brutales. On doit s’attendre à des drames humains sans précédents: certaines populations vont voir leurs conditions de vie et de santé décliner brutalement, faute d’aide humanitaire, d’accès à des soins de santé et de mécanismes de protection, alors que ceux-ci étaient déjà notoirement sous-dimensionnés pour l’ampleur des crises en cours.

Cette édition spéciale d’Alternatives Humanitaires doit nous permettre de mieux comprendre les implications de cette crise sans précédent, mais surtout de documenter les adaptations et les solutions identifiées et mises en place par les acteurs de l’aide, notamment les partenaires du Sud. Élaboré bien en amont de la sortie de ce numéro, cet appel à contributions devra bien entendu être relu et nourri par les auteurs et autrices intéressés à la mesure de l’évolution de la situation internationale, de manière à être au plus près des enjeux quelques semaines avant la parution.

Sans exclusive et fortement ouverts aux propositions que nous adresseront nos potentiels contributeurs et contributrices, nous souhaitons donner en première intention la priorité à des articles :

  1. Qui abordent les conséquences concrètes, mesurables et observées des décisions prises – en termes de gel et réductions des aides publiques au développement et à l’humanitaire – dans l’équilibre budgétaire des ONG internationales et locales, dans leur organisation structurelle et managériale, et pour les populations qu’elles aidaient jusqu’à maintenant, dans une économie déjà fragile et sous-financée.
  2. Qui documentent l’innovation et les stratégies d’adaptation que les organisations humanitaires, internationales comme locales, ont mises en œuvre pour faire face à la baisse généralisée des financements et à la remise en cause des principes fondateurs de l’aide internationale : réponses concrètes, modèles alternatifs de financement, mécanismes innovants de résilience, adaptations organisationnelles, etc.
  3. Qui aident à repenser l’architecture de la coopération internationale dans un contexte de désengagement des grands donateurs traditionnels, de réarmement et de nouveaux conflits potentiels afin de mieux protéger les populations vulnérables face aux crises multiples qui perdurent, voire s’aggravent (crise climatique, crise migratoire, conflits déjà en cours, etc.).
  4. Qui donnent à lire l’analyse des chercheurs des pays des Suds et des Nords au prisme des attaques contre le monde de la recherche, et plus spécifiquement contre celles et ceux qui travaillent sur l’analyse des pratiques de solidarité internationale.

Soumettre un article

Si vous êtes intervenant·e, chercheur·euse ou observateur·ice du milieu humanitaire international, et souhaitez soumettre un projet d’article sur ce thème, merci d’adresser un résumé de votre problématique, un plan provisoire et une courte biographie du/des auteur·rices (2 pages maximum) le 2 juin 2025 au plus tard, à l’adresse mail suivante : contact@alternatives-humanitaires.org La réponse vous sera adressée dans les 15 jours qui suivront.

L’article final – rédigé en français ou en anglais – devra être rendu le 15 septembre 2025 au plus tard, le calibrage moyen se situant aux alentours de 15 000 signes, espaces compris (soit 2 400 mots environ en français, 2 200 mots en anglais). Une dizaine d’articles seront retenus dans le cadre de ce dossier.

Pour chaque numéro, nous étudions également les projets d’articles portant sur des thématiques en relation avec l’action humanitaire autres que celle du dossier, et qui trouvent place dans les rubriques « Perspectives », « Transitions », « Innovations », « Éthique », « Reportage » ou « Tribune ». Nous vous invitons à nous faire parvenir vos propositions.

Objet :

Alternatives humanitaires

Caractéristiques :

• Format : 15 000 signes (esp. compris)

• Date plan: 2 juin 2025

• Date rendu : 15 septembre 2025