Le projet de recherche

Enfants de rue - éducation - éthique

Aujourd’hui le réseau d’acteurs et les enjeux autour des enfants talibés et des enfants en rupture s’est semble-t-il complexifié, notamment du fait d’une radicalisation des prises de position politiques et idéologiques, et d’une multiplication des acteurs. L’objectif de cette recherche est de comprendre les difficultés de la mise en synergie des différents acteurs agissant pour le bien des enfants, lequel n’est pas perçu de la même manière par tous.

À partir d’une recherche-action effectuée avec les acteurs de Saint-Louis du Sénégal impliqués dans l’aide humanitaire aux enfants en situation de rue, l’article développe une réflexion autour du rôle social actif de ces enfants face à la transition humanitaire. Il s’agit dans cette ville historique et religieuse majoritairement d’enfants dits talibés, placés chez un maître pour apprendre le Coran, et mendiant dans la rue pour se nourrir et financer leur apprentissage.

L’auteur démontre que la sphère associative, qui s’est largement dynamisée au cours des dix dernières années, joue un rôle central de médiateur entre la rue et l’État. Dans le contexte de la mise en route d’un plan de retrait des enfants des rues décrété par le Président Macky Sall, l’implication effective de la société civile par l’État pourrait permettre de travailler dans les quartiers saint-louisiens au plus près des enfants concernés et de leurs tuteurs communautaires (maître coranique, marraines, grands talibés, etc.). Alors que les enfants talibés deviennent de plus en plus acteurs de leurs parcours urbains et savent saisir les opportunités notamment humanitaires mises à disposition par les associations, celles-ci pourraient avec plus de moyens et de légitimité bâtir autour d’eux un consensus concernant une sortie de rue constructive.

Dans ce cadre, l’application méthodique des principes éthiques d’autonomie et de bienfaisance dans la construction de l’aide proposée aux enfants permettrait de dépasser un rapport essentiellement utilitaire à l’aide pour parvenir à un suivi social vers le retrait concerté des enfants de la rue. À défaut, les sanctions judiciaires et le plan annoncés risquent, en interdisant la rue aux enfants, de les priver d’un ensemble de ressources sanitaires et sociales mises à disposition par les communautés et de les enfermer un peu plus dans des écoles coraniques marginalisées, incontrôlables, et parfois peu respectueuses des lois nationales et des droits de l’enfant.