Appel général de la Fondation

 

L’humanitaire apparaît de plus en plus contesté comme représentation d’essence occidentale de la solidarité Nord-Sud. Les pays expriment une volonté croissante d’autonomie. Ils ne veulent plus dépendre d’une aide internationale trop asymétrique et éloignée du concept de partenariat. Certains, autrefois bénéficiaires de l’aide internationale, jouent désormais un rôle actif dans la prise en charge des interventions humanitaires sur leurs territoires. D’autres reprennent en main la mise en place des projets, les flux de financements mais aussi les images et discours qui concernent leurs populations, allant jusqu’à engendrer un véritable « humanitaire d’Etat ». Ailleurs, les prétendants au rôle de bailleurs se multiplient, avec pour objectif d’agir à l’international en usant à leur tour de ce « Soft Power » très médiatisé, longtemps apanage des pays occidentaux.

Ce contexte inédit complexifie le champ de l’action humanitaire internationale alors même qu’elle doit gérer des besoins d’une ampleur inégalée, en lien notamment avec la pression démographique, la croissance non contrôlée des zones périurbaines, ou encore les catastrophes naturelles plus fréquentes et destructrices en raison du dérèglement climatique. Surtout, ces difficultés appellent l’action humanitaire à opérer une véritable mutation, car elles révèlent une période de transition, qui n’a pas été anticipée, et qui traduit le passage d’un paradigme de solidarité Nord-Sud occidentalo-centré en terme de ressources et de pratiques, à un nouveau modèle multipolaire beaucoup plus complexe en lien avec les concepts de développement humain, de développement durable et de changement social et à la confluence d’intérêts parfois divergents provenant d’une diversité d’acteurs (bailleurs de fonds, entreprises, institutions, medias, etc.).

L’objectif de l’appel général est de permettre la compréhension des tenants de la transition humanitaire, qui préfigure un nouveau paradigme, en appréhendant les conditions de sa réalisation dans différents pays. Comme dans de nombreux secteurs qui traversent des périodes de mutations extrêmes, l’approche éthique peut devenir un guide pour l’action. C’est pourquoi un éclairage sur la dimension éthique et les modalités de son application sur le terrain est vivement souhaité, quel que soit l’axe de l’appel abordé.

 

Les deux axes de l’appel général

Le thème de l’appel général pourra être traité sous l’un des deux axes suivants.

AXE 1 – Du global au local : réalités et enjeux des stratégies d’autonomisation dans un contexte annoncé de « localisation » de l’aide

Les premières leçons tirées du débat sur la « localisation » de l’aide, ou encore la problématique émergente de la « fragmentation » de l’aide, montrent l’importance et la vivacité de la discussion sur la façon dont l’articulation des deux dimensions – « globales » et « locales » – du système de solidarité internationale se traduit sur le terrain en termes d’efficacité, de coordination des aides extérieures avec les dispositifs d’aide intérieurs, et d’adéquation de l’aide avec les besoins des populations.

Cet axe poursuit un double objectif.

Comprendre les configurations locales de l’aide internationale : forces et faiblesses du système. Le premier objectif de cet axe est de comprendre comment dans un pays donné le système de solidarité internationale permet d’expliquer des configurations locales de l’aide internationale. Comment le jeu des acteurs et des organismes transnationaux se répercute parmi les agents locaux de l’humanitaire et du développement ? A quelles stratégies recourent nombre d’acteurs (institutionnels, politiques, associatifs, etc.) du Sud pour négocier leur insertion dans le système mondial et bénéficier d’une aide multiforme ?

Etudier les transformations permettant de dépasser les limites du système de solidarité internationale traditionnel. Le second objectif de cet axe est d’analyser les initiatives pratiques et éthiques que les acteurs humanitaires internationaux développent pour dépasser les limites actuelles du système de solidarité internationale. Quels nouveaux modèles opérationnels (en matière de partenariat, transfert de compétences, accès aux financements, ressources humaines, gouvernance, etc.) contribuent à l’amélioration des réponses apportées aux crises, à la fois par le renforcement des capacités des acteurs locaux, et une meilleure coordination générale des opérations permettant aux réponses internationales de mieux tirer partie des avantages et complémentarités de ces différents acteurs locaux ? Comment de telles initiatives peuvent être capitalisées pour créer les conditions du renforcement des capacités de réponse et de l’autonomisation des acteurs locaux dans différents contextes ?

 

AXE 2 – Du local au global : modèles et pratiques innovants issus des pays bénéficiaires de l’aide

Le champ humanitaire est de plus en plus le théâtre d’« innovations inversées », notamment en Afrique, véritable laboratoire des alternatives humanitaires où des initiatives locales s’observent partout. Des assurances privées telle que l’African Risk Capacity (ARC) lancée par l’Union Africaine ont été créées pour couvrir les États contre les risques de catastrophes naturelles et les dégâts causés par des épisodes climatiques extrêmes. Les ONG locales, confessionnelles ou communautaires se multiplient, expriment comme leurs États la volonté d’assumer elles-mêmes l’aide de leur population dans leur propre pays et revendiquent d’avoir réellement les commandes en mains. Ces ONG sont aussi de plus en plus puissantes, telle Bangladesh Rural Advancement Committee (BRAC), devenue première ONG au monde avec plus de 100 000 employés. ussi, l’utilisation des nouvelles technologies se développe via des programmes élaborés en étroite collaboration avec les Etats nationaux (livraison de sang par drones au Rwanda, projet IEDA au Burkina Faso, etc.).Ces innovations issues des pays bénéficiaires de l’aide questionnent la place et le rôle des acteurs internationaux, en ouvrant de nouvelles voies d’action possibles en dehors du système de solidarité internationale traditionnel.

Cet axe poursuit un double objectif.

Comprendre les conditions d’émergence et l’impact des innovations institutionnelles et opérationnelles issues des pays bénéficiaires de l’aide sur les populations. Le premier objectif de cet axe est d’analyser la nouveauté des approches expérimentées, notamment au regard de leur apparent potentiel d’autonomisation dans les pays en développement. Quels sont les succès des innovations apportées au champ humanitaire par les différents acteurs des pays bénéficiaires de l’aide (en matière de pratique, gouvernance, ressources humaines, modèles économiques, technologie, etc.) ? Quelles sont leurs limites, et les problématiques humanitaires qui ne bénéficient pas encore de telles innovations ? Comment de telles initiatives peuvent être capitalisées pour créer les conditions d’une application dans différents contextes, y compris dans les pays développés ?

Etudier les transformations qu’engendrent ces innovations sur le système de solidarité internationale traditionnel et ses acteurs. Le second objectif de cet axe est d’analyser les conséquences de ces innovations pour le système de solidarité internationale traditionnel et ses acteurs. Qui sont les acteurs qui portent ces innovations, quelles sont leurs stratégies respectives, et quelles relations entretiennent-ils avec les acteurs humanitaires internationaux ? En quoi ces innovations amènent les métiers de l’humanitaire et les relations entre acteurs extérieurs et nationaux à évoluer vers un nouveau modèle ?

 

Zones géographiques de recherche

Ces thèmes pourront être abordés dans une zone géographique comportant un ou plusieurs pays. La Fondation a identifié pour cet appel douze pays prioritaires :

Bénin

Liban

Burkina Faso

Madagascar

Cameroun

Maroc

Côte d’Ivoire

Niger (chercheurs résidents seulement)

Ethiopie

Sénégal

Guinée

Togo

Les pays ciblés constituent une entrée empirique pour les recherches. Ils ne correspondent en aucun cas aux nationalités d’éligibilité du candidat.

L’accès au terrain sera conditionné par une évaluation précise des risques remise lors de la candidature et mise à jour avant le départ en prenant soin de vérifier au préalable les recommandations du MEAE français.

Bourse postdoctorale

Montant : 17 000 €

Dates clés :

• 12 mars 2018 : lancement de l’appel
• 15 avril 2018 : clôture des préinscriptions
• 13 mai 2018 : clôture des candidatures
• Début juillet 2018 : annonce des résultats
• 1er sept. 2018 : début des recherches
• 1er sept. 2019 : rendu des livrables

Thèmes :

• Autonomie et interdépendances
• Gouvernances
• Coopération et partenariat
• Localisation
• Transparence
• Redevabilité
• Pratiques émergentes
• Innovations institutionnelles