L’Oasis, lieu ressource dédié aux demandeurs d’asile au moment de leur entretien à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), a fêté ses 2 ans d’existence. À cette occasion, la Fondation Croix-Rouge française et l’Oasis ont organisé jeudi 4 décembre 2025 une soirée d’échanges autour de l’accompagnement en santé mentale des publics exilés. Cette rencontre fut l’occasion de revenir sur l’expérience et les pratiques des usagers et acteurs du lieu, de découvrir les résultats de la recherche menée durant la première année d’ouverture du dispositif avec le soutien de la Fondation, et d’admirer une exposition des créations artistiques réalisées par les demandeurs et demandeuses d’asile accueillis.

La création d’un lieu unique

Depuis 2024, à Fontenay-sous-Bois, s’est ouvert un lieu pour accueillir et accompagner les personnes dans l’étape clé mais éprouvante de leur parcours d’asile que constitue le jour du dépôt de leur demande auprès d’un officier de l’Ofpra : l’Oasis. Créé par la Croix-Rouge française et Jesuit Refugee Service France, ce nouveau type de lieu d’accueil destiné aux demandeurs et demandeuses d’asile et à leurs accompagnants vise à répondre à un besoin de soutien psychosocial et de santé mentale souvent négligé dans les parcours d’exil. Il propose un accompagnement global et bienveillant, un espace où chacun peut se recentrer, se reposer et retrouver des ressources personnelles pour aborder l’entretien à l’Ofpra et la suite de son parcours dans les meilleures conditions possibles. L’Oasis s’appuie sur une équipe de bénévoles et de professionnels engagés pour accueillir dans le lieu, « allers-vers » l’Ofpra au cours de la journée, et proposer des activités et des services axés sur le bien-être psychosocial, la sensibilisation et le soutien à la santé mentale, ainsi que la lutte contre l’exclusion et la précarité.

Dès l’ouverture de l’Oasis début 2024, la Croix-Rouge française a sollicité la Fondation pour qu’une recherche afin de sonder ses effets sur les personnes accueillies. Le but était de montrer en quoi la création du lieu répond à un besoin des demandeurs d’asile dans ce moment particulier qu’est le jour de la convocation à l’Ofpra. Ce travail fut mené par une équipe de chercheuses de l’Unité de Recherche Migrations et Sociétés (URMIS – CNRS/IRD/Université Paris Cité/Université Côte d’Azur), composée de Florence Boyer, géographe, chargée de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement, Mireille EBERHARD, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université Paris Cité, et Louiza Laiticia HAFSI, doctorante en sociologie à l’URMIS.

Après avoir présenté les résultats de leur recherche, les chercheuses de l’URMIS ont participé à une table ronde, en compagnie de Tala Shehadeh, psychologue clinicienne qui a travaillé à l’Oasis, Irène Bogicevic, responsable du programme Santé Mentale et Soutien Psychosocial (SMSP) de la Croix-Rouge française, et Alfousseyni Simaga, bénévole à l’Oasis. Animée par Sarah Lecomte, coordinatrice de l’Oasis, et Vincent Leger, chargé de recherche de la Fondation, la table ronde a abordé différents aspects du dispositif et des modalités de l’accompagnement en santé mentale des publics exilés.

L’accueil à l’Oasis

Les intervenants ont d’abord abordé l’attitude et l’état général des personnes accueillies à l’Oasis, ainsi que la manière dont elles se représentent et vivent cette étape clé et éprouvante de leur parcours d’asile. L’entretien à l’Ofpra constitue une épreuve stressante à laquelle il semble difficile de se préparer. Il est empreint de contradictions : injonction à tout raconter, impossibilité de tout se remémorer, attentes fortes quant à ses effets et frustration face à l’attitude de l’officier. Tout ce qui précède l’entretien peut être ardu à surmonter, car sa perspective confine les demandeurs d’asile dans une attente de mieux-être difficile à vivre. La gestion de cette attente est un véritable défi, lorsqu’elle empêche d’avancer, de « tourner la page » et de s’investir dans une vie plus stable.

À l’Oasis, la notion d’accueil a été particulièrement travaillée. Le lieu se distingue par le caractère ponctuel et intense de la prise en charge qu’il propose, concentrée sur un temps très court mais chargé émotionnellement pour les demandeurs d’asile et leurs proches. Les intervenants ont souligné ce défi : créer, en peu de temps, un espace de confiance et d’apaisement qui permette de mieux appréhender l’attente et le stress de cette journée. Plusieurs ont témoigné des liens qui se tissent entre les personnes accueillies et leurs accompagnants, notamment grâce aux activités créatives et de loisirs proposées.

Le soutien psychologique

Le rôle de certains bénévoles ayant eux-mêmes vécu l’exil a été mis en avant. Leur pair-aidance a un effet positif pour les personnes accueillies. La construction de l’Oasis comme safe place, non comme un dispositif répondant à des besoins prédéfinis, offre un espace d’expression, de libre appropriation et d’usage autonome du lieu. Prendre soin revient parfois à laisser les personnes répondre elles-mêmes à leurs besoins, lorsque cette appropriation devient possible. Toutefois, l’autonomie ne suffit pas toujours : beaucoup se trouvent dans une grande précarité et une fragilité particulière lors de cette journée. D’où l’importance des activités créatives, de la présence d’un médiateur pour les animer et d’une psychologue pour assurer des consultations. L’Oasis souhaite répondre aux enjeux de fragilité et de troubles psychologiques liés au parcours d’exil et à l’entretien à l’Ofpra.

La fonction du psychologue à l’Oasis s’inscrit néanmoins dans un cadre atypique : espace interculturel, de répit, d’attente et de passage, marqué par l’urgence sociale et la précarité psychique. Comment alors trouver sa place, comme médiateur ou psychologue, sans nuire à l’usage autonome du lieu ? Tala Shehadeh et Irène Bogicevic ont évoqué une posture clinique fondée sur la présence, la disponibilité, l’écoute et l’adaptation constante. Repenser cette posture permet d’aborder la santé mentale des exilés de manière souple, tout en obtenant des résultats significatifs.

Photos : Christophe Hargoues et Caroline Vitaglione