La Fondation Croix-Rouge française a consacré la 11e édition de sa « Pause-Culture-Recherche » aux enquêtes en terrain sensible. Devant un public attentif, Christelle Calmels et Aghiad Ghanem sont venus partager leurs expériences au cœur d’institutions politico-militaires et en zone de conflit, à l’occasion de la présentation de l’ouvrage collectif auquel ils ont contribué, intitulé Enquêter en terrain sensible : Risques et défis méthodologiques dans les études internationales.

Alors qu’un nombre croissant de terrains se ferment aux chercheurs en sciences sociales comme aux humanitaires, cette Pause-Culture-Recherche avait pour objectif de créer un dialogue entre ces deux corps de métier confrontés à des défis similaires. À travers une approche réflexive sur leurs enquêtes respectives en terrain sensible, Christelle Calmels et Aghiad Ghanem ont apporté des éclairages précieux sur les problématiques actuelles. Tous deux ont souligné l’importance de la transparence, de l’éthique et de l’ouverture pour mener à bien une enquête dans un contexte difficile : Christelle dans la représentation de la France à l’OTAN, et Aghiad au sein de la communauté alaouite en Syrie. Qu’il s’agisse d’États autoritaires, de zones de conflit violent ou d’institutions peu accessibles, ils ont insisté sur la nécessité de réfléchir à sa posture et à sa positionnalité pour s’engager de manière pertinente sur le terrain.
Aghiad Ghanem a mis en avant le rôle central de l’empathie dans la recherche et dans l’entretien des relations interpersonnelles sur le terrain. Il a constaté que la neutralité et l’objectivité sont difficilement tenables et peu souhaitables lorsque l’enquête se fait chez soi, comme c’était son cas en tant que Syrien alaouite. Il a aussi évoqué la solitude des chercheurs, souvent livrés à eux-mêmes, en contraste avec les humanitaires qui évoluent sous la protection d’une institution. Christelle Calmels, quant à elle, a expliqué que son insertion dans la représentation de la France à l’OTAN s’était faite dans une totale transparence de démarche, et qu’elle avait appliqué une rigueur méthodologique exceptionnelle afin de se protéger et de garantir la fiabilité de ses résultats. Elle a également indiqué que, dans son cas, le genre et l’âge avaient été des atouts : son statut de jeune femme lui a permis d’adopter la posture de “petite fille”, car le paternalisme a favorisé l’ouverture de la parole.
À travers ces témoignages croisés, cette 11ᵉ Pause-Culture-Recherche a mis en lumière les enjeux d’accès et d’insertion sur les terrains sensibles, dans un contexte mondial marqué par la fermeture et la méfiance. Chercheurs et humanitaires ont beaucoup à apprendre les uns des autres pour mieux comprendre ces terrains sensibles et mieux négocier leur positionnement sur le terrain.

—> Pour retrouver l’ouvrage « Enquêter en terrain sensible : Risques et défis méthodologiques dans les études internationales.«
Retrouvez ci dessous les précédentes éditions de nos Pauses-Culture-Recherche :
- Septembre 2025 – « Bande dessinée, le 9e art au service de l’action humanitaire » avec Kek, Nicolas Wild et Catherine Monnot-Berranger
- Juillet 2025 – « Les relations entre le secteur universitaire et les organisations humanitaires : une perspective américaine » avec Virginie Troit
- Mars 2025 – « J’étais du Bataillon des enfants perdus » avec Boris Martin




