La Fondation Croix-Rouge française a décidé de s’associer à la direction des relations et des opérations internationales (DROI) de la Croix-Rouge française et à l’Agence Française pour le Développement (AFD) pour lancer un appel à candidatures pour le financement d’une équipe de recherche sur les aspects culturels et relatifs au genre pouvant freiner ou favoriser les bonnes pratiques en matière de santé sexuelle et reproductive dans 3 pays sahéliens, le Mali, le Niger et la Mauritanie.

Conformément aux objectifs alloués à la recherche, la quantité et le type de données à collecter et analyser, la diversité des profils de personnes à enquêter, ainsi que la nature des lieux à explorer, la recherche sera menée par une équipe composée de 3 ou 4 chercheurs (1 chercheur dans chaque pays) dont un porteur de projet responsable de la coordination et du travail scientifique. Ce mode de recherche permettra une collecte de données spécifiques à chaque pays tout en garantissant l’harmonisation au niveau du développement de la méthode de recherche et de l’analyse des données.

Candidatures closes

Thématique de recherche

Au Sahel, des progrès sensibles ont été accomplis ces dernières années pour la santé des femmes, des mères et des enfants. L’espérance de vie s’est allongée et certaines causes majeures de la mortalité maternelle et infantile ont diminué. Néanmoins, l’offre actuelle des systèmes de santé reste insuffisante et n’est pas en adéquation avec les besoins des femmes, particulièrement au Mali, en Mauritanie et au Niger. Les défis restent ainsi d’envergure tels qu’indiquent les taux de mortalité maternelle de 587 (Mali), 553 (Niger) et 602 (Mauritanie) pour 100 000 naissances vivantes[1]. Mortalités maternelle et infantile étant liées, les taux de mortalité des enfants restent élevés. Le taux de mortalité néonatale est de 40/1 000 (Mali), 28/1 000 (Niger) et 34/1 000 (Mauritanie), et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est de 104/1 000 (Mali, Niger) et 81/1 000 (Mauritanie). Dans les trois pays le taux de fécondité reste élevé, variant de 4,5 et 7,2 naissances par femme. La faible utilisation des contraceptifs modernes de 12,5% en Mali, 10,6% en Mauritanie et de 6,2% au Niger ainsi que les besoins non satisfaits en contraception de 26,8% au Mali, 31,7% en Mauritanie et 16% au Niger en sont le reflet.

Au cœur des multiples inégalités rendant l’accès à des soins de qualité pour tous particulièrement difficile se trouvent des normes sociales discriminatoires qui se traduisent par des attitudes, des comportements, des politiques et des lois qui freinent notamment les femmes et les filles. Identifier les causes fondamentales des inégalités de genre et les modalités de réponses les plus adaptées pour développer une approche transformative est essentiel pour favoriser l’autonomie des femmes, clé de voûte de la santé tant pour elles-mêmes que pour leur famille. La plupart des décès maternels pourraient être évités en mettant en œuvre des solutions qui existent, par exemple en espaçant les grossesses, en allongeant l’âge maternel des premières grossesses, en améliorant leur suivi recentré sur la patiente, en dépistant les grossesses à risque et en renforçant la capacité des services de santé à prendre en charge les grossesses pathologiques. Aussi, une attention particulière devrait être portée aux femmes les plus vulnérables, peu scolarisées et dans les zones où les rapports sociaux de genre et de sexe entre les hommes et les femmes laissent peu d’autonomie aux femmes, car c’est chez ces femmes et dans ce type de contexte que les décès maternels surviennent plus fréquemment.

La Croix-Rouge française va mettre en œuvre à partir de 2020 un projet sur 4 ans visant à améliorer la santé des femmes, des mères et de leurs nouveau-nés au Sahel en promouvant l’autonomisation des femmes, la conscientisation des adolescents et l’accès à un soin de meilleure qualité par la transformation des comportements des professionnels de santé et des relations entre les femmes et les hommes.

Précisément, le « Programme Régional Genre Santé Sahel (PROGRESS) » a pour objectif de contribuer à l’amélioration de la Santé Maternelle et Infantile (SMI), de la Santé Sexuelle et Reproductive (SSR) et de la Planification Familiale (PF) des populations de 3 zones de 3 pays différents : une zone urbaine (le district de Bamako, au Mali[2]) et deux zones rurales (les régions du Gorgol, en Mauritanie[3], et de Zinder, au Niger[4]).

Le programme part du postulat qu’une évolution des représentations et pratiques en matière de genre et de SMI-SSR-PF au sein des communautés et des systèmes sanitaires permet une amélioration de l’état de santé des populations. Sur cette base, la Croix-Rouge française mettra en œuvre des stratégies et actions au sein des communautés, Sociétés Nationales Croix-Rouge Croissant-Rouge et systèmes sanitaires, visant à réduire directement ou indirectement, à court et à plus long terme, les barrières liées au genre dans l’accès aux soins de Santé Maternelle et Infantile, de Santé Sexuelle et Reproductive, et à la Planification Familiale.

Le programme interviendra en premier lieu auprès des personnels sanitaires, notamment les sages-femmes, infirmières obstétricales et accoucheuses qui seront l’objet de nombreuses activités de formation et se verront doter d’outils d’aide à la décision dans la gestion quotidienne de leurs activités. Les personnels sanitaires des centres de santé recevront diverses formations dont la prise en charge des Violences Basées sur le Genre.

Le programme interviendra par ailleurs auprès des salariés et des nombreux volontaires des Sociétés Nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de chacun des 3 pays, afin de renforcer leur engagement et leur technicité pour l’intégration du genre dans les programmes d’assistance qu’ils mettent en œuvre.

Une intervention se fera enfin au niveau communautaire, via la mobilisation de volontaires et d’associations locales qui sont de puissants relais, comme acteur de changements au sein de leur communauté. Des actions spécifiques seront mises en œuvre à destination des adolescents.es, des femmes, des hommes et à destination des survivant.e.s de Violences Basées sur le Genre.

Au total, les populations couvertes par le programme sont estimées à 708 605 personnes[5] ; le nombre d’utilisateurs des structures et services de santé appuyés à 637 290 personnes[6].

Une étude est nécessaire pour comprendre les mécanismes relatifs aux relations de genre et aux systèmes de santé propres à chaque contexte, et identifier les enjeux et résultats possibles spécifiques à chaque zone d’intervention. Son objectif général sera d’identifier les freins à l’accès aux soins, et plus particulièrement en termes de SMI-SSR-PF, liés au genre, ainsi que les leviers par lesquels ces freins pourraient être surmontés dans les trois zones. Mise en œuvre au cours de la première année du programme, la recherche permettra d’identifier les déterminants des inégalités de genre face aux services de santé, ainsi que les modalités de réponses les plus adaptées pour développer une approche transformative.

Une partie de la recherche sera consacrée à la population résidente des 3 zones d’intervention avec pour objectifs de sonder précisément l’influence du genre parmi les multiples déterminants des « parcours de soins » et des représentations de la santé et des soignants. Au sein des ménages, il s’agira notamment de comprendre où se situe le pouvoir de décision et comment se répartissent les rôles et responsabilités, quelle est l’implication réelle de l’homme et de la femme dans la santé de la famille et de l’enfant (SMI, SSR, PF), quels sont les espaces d’échange et interlocuteurs privilégiés pour les différentes questions liées à la santé, et enfin comment sont perçus les Centres de santé locaux. Quelle est l’implication réelle (en quoi, à quel moment, où) des hommes et des femmes dans la santé de la famille et de l’enfant (SMI, SSR, PF) ? Quels sont les principaux rôles et responsabilités des hommes et des femmes au sein du ménage selon différents points de vue (hommes, femmes, soignants, leader, communautés etc.) ? Qui a accès aux connaissances en matière de SMI/SSR et PF et quels sont les vecteurs d’information ? Quelles seraient les attentes des hommes et des femmes en matière d’implication de l’un et de l’autre ? Quels sont les enjeux liés ? Quelle est la légitimité de chacun (au sein et hors du cercle familial) à décider et à agir ? Qui a le dernier mot ? Qui décide quoi et pourquoi ? Quels sont les facteurs d’arbitrage en matière de santé (SMI, SSR, PF) ? Quels sont les acteurs/intervenants et rôles associés (famille, tradipraticiens, matonnes, groupes sociaux, centre de santé) ? Comment sont perçus les Centres de santé (agents de santé hommes/femmes ; confiance et satisfaction des hommes, des femmes et des jeunes) ? Quels sont les interlocuteurs privilégiés pour les différentes questions liées à la SMI/SSR/PF ? Quels sont espaces et moments privilégiés pour aborder les questions de santé ?

Une autre partie de la recherche se fera auprès des soignants, avec pour objectif d’identifier les facteurs qui influent sur leurs perceptions et pratiques. Il s’agira notamment de comprendre en quoi ils peuvent représenter un frein ou un levier à l’accès aux soins. Quels sont les facteurs qui influent sur les perceptions et pratiques des soignants ? Comment la problématique du genre est-elle prise en compte par le personnel soignant ? Existe-t-il des résistances pour la pratique de certains soins (religieuses, personnelles, etc.) ? Existe-t-il des facteurs discriminants pour l’accès aux soins (genre, identité sexuelle, âge, handicap, classe sociale, positionnement politique, religion, appartenance ethnique) ? Existe-t-il des pratiques de soins différenciées entre femmes et hommes ?

Ce travail de réflexion mené en parallèle à la mise en œuvre des activités sur le terrain fournira aux équipes du programme un espace de réflexion sur la pertinence et les modalités des actions menées selon les spécificités de chaque zone. Il permettra non seulement de mieux anticiper les changements pouvant être attendus, mais aussi de formuler des recommandations adaptées pour ajuster les stratégies d’intervention et réorienter si besoin les activités en vue d’une optimisation des résultats. Il est ainsi attendu que les résultats de la recherche participent au processus de changement visé dans un certain nombre de conduites en fournissant des recommandations sur la manière d’adapter les outils selon les spécificités de chaque pays et en proposant, le cas échéant, des orientations pour adapter la stratégie de sensibilisation visant un changement de comportements. Enfin, cette étude alimentera le système de suivi et évaluation pour réviser si besoin les modalités de mise en œuvre des activités et les indicateurs associés, ainsi que pour produire des éléments de compréhension plus précis quant aux différents impacts qui pourront être observés lors des évaluations finales du programme.

Ce travail de recherche sera mené durant la première année sur les 3 terrains d’intervention du programme, et réalisé selon une méthodologie similaire permettant la compilation et la comparaison des résultats.

Le porteur de projet est libre de proposer la méthodologie de son choix. Cela dit, pour que la recherche contribue au succès du programme et complète les autres outils de suivi-évaluation et afin que les méthodologies respectives puissent s’alimenter l’une et l’autre, il est attendu que le porteur de projet et son équipe participent à une réflexion méthodologique collective en collaboration avec les responsables des interventions via une communication régulière. Ainsi, les chercheurs pourront être associés lors de la rédaction des questionnaires de l’enquête CAP (Enquête sur les Connaissances, Attitudes et Pratiques) qui permettra de collecter dès le début du projet le niveau de connaissance sur les bonnes pratiques en terme de santé et les représentations relatives au genre des communautés. Cette enquête sera menée chaque année dans chaque pays, et sera couplée à une enquête de satisfaction à partir de la deuxième année. La consultation des chercheurs sur la conduite de ces études permettra de questionner les limites de ces outils et le cas échéant de les améliorer.

[1] OMS, 2015.

[2] Au Mali, le Programme ciblera 7 Centres de Santé Communautaires de la Commune I et 9 centres de santé de la Commune V et 2 Centres de Santé de Référence (1 par commune).

[3] En Mauritanie, le Programme ciblera 13 Postes de santé, 7 Centres de santé et l’Hôpital de Kaédi.

[4] Au Niger, le Programme ciblera 15 Centres de Santé Intégré et l’Hôpital de District de Tanout.

[5] Mali : 460 986, Mauritanie : 49 151, Niger : 198 538

[6] Mali : 429 182, Mauritanie : 65 805, Niger : 142 303

Zone géographique de recherche

La recherche sera menée simultanément sur les 3 terrains d’interventions du programme, à savoir :

  1. Les Communes I et V du district de Bamako au Mali
  2. Les 4 Moughatas de la Région du Gorgol en Mauritanie (Kaedi, M’bout, Monguel, Maghama)
  3. Les communes de Gangara, d’Olélewa et la commune de Tanout, dans la région de Zinder au Niger

Les pays ciblés constituent une entrée empirique pour les recherches. Ils ne correspondent en aucun cas aux nationalités d’éligibilité du candidat.

L’accès au terrain sera conditionné par une évaluation précise des risques remise lors de la candidature et mise à jour avant le départ en prenant soin de vérifier au préalable les recommandations du MEAE français.

Bourse de recherche (équipe)

Nombre : 1

Montant : 50 000 €

L’équipe bénéficiera en outre de :

• suivi scientifique et tutorat personnalisés
• accompagnement dans la valorisation des résultats de la recherche (traduction en anglais, publication sur ce site, soutien pour publier dans des revues d’excellence et notamment dans la revue Alternatives humanitaires, participation aux Rencontres de la Fondation)
• abonnement d’un an à la revue Alternatives humanitaires
• adhésion d’un an à l’IHSA

Dates clés :

• 28 février 2020 : lancement de l’appel
• 26 avril : clôture des candidatures
• 2 juillet : annonce des résultats
• 1er sept. 2020: début des recherches
• 1er sept. 2021 : rendu des livrables

Mots-clés :

• Genre
• Santé
• Inégalité
• Culture
• Sahel