Intégrer les enjeux interculturels pour mieux adapter les activités textiles de la Croix-Rouge française

Thématique de recherche

La collecte, le tri et la valorisation des textiles sont des métiers centenaires en France, et historiquement certaines friperies sont tenues par des organismes caritatifs, les vêtements provenant des dons des particuliers. L’activité textile est l’activité la plus importante de l’action sociale de la Croix Rouge française (CRf). Principalement grâce à la générosité du public, les Unités (UL) et Antennes Locales (AL) de l’association collectent chaque année 15 000 tonnes de TLC[1] usagés, soit 7 % du marché national. Ces vêtements sont triés, revendus, distribués ou recyclés par 16 500 bénévoles (soit 1 bénévole sur 4 de la CRf).

A la Croix-Rouge française, le « vestiaire » traditionnel s’est imposé comme la référence en matière de distribution vestimentaire sur l’ensemble du territoire jusqu’au milieu des années 1990. Ce premier concept de dépôt et de distribution d’articles textiles de la CRf répond au besoin de se vêtir en situation d’urgence et de dépannage, exclusivement destiné aux personnes démunies.

L’apparition progressive de nouvelles formes de précarité sociale a peu à peu profondément modifié la perception traditionnelle de la pauvreté. Les dispositifs associatifs sont passés d’une logique d’assistance à une logique d’accompagnement au travers de réponses adaptées à la situation de chacun et d’un suivi des situations. Ainsi, ces dernières années ont vu la transformation d’un grand nombre de vestiaires en vestiboutiques, ouvertes à tous les publics, afin de favoriser la mixité et le lien social. Ces nouvelles boutiques sont des lieux de rencontre qui participent de la vie du quartier, propices aux animations destinées à tous, avec deux idées forces : le libre choix et la participation des personnes.[2]

Les vestiboutiques, et les boutiques chez Henry, ont d’abord vocation à prodiguer une aide matérielle qui consiste à octroyer la quantité de vêtements nécessaires à une personne qui a besoin de se vêtir. Cette vocation se traduit par la gratuité de l’aide vestimentaire dans 80 % des cas pour les personnes les plus démunies (une sélection d’articles est faite sur le principe du libre choix en cas de nécessité ou d’urgence) ou l’émission d’un chéquier vestiaire[3] (10 % des cas) ou d’un bon d’achat[4] (10 % des cas également) pour avoir accès à l’aide vestimentaire.

Cela dit, en réponse à certaines situations (maraudes, personnes à la rue, personnes migrantes…), l’aide vestimentaire est parfois complétée par l’octroi d’une aide matérielle d’urgence. Aussi, d’autres services destinés à répondre aux besoins de la vie quotidienne peuvent être proposés : mise en vente et le prêt de matériel pour la petite enfance, de vaisselle, de meubles, de jouets, de livres, etc., mise à disposition d’un point hygiène, d’un espace solidarité polyvalent, développement d’ateliers de lutte contre l’illettrisme, de bricolage, de cours d’esthétique, de gestion du budget, d’information sur les accidents domestiques, les gestes qui sauvent, etc. Les ateliers permettent de proposer une animation et un service supplémentaires par rapport à un commerce lambda. Par ailleurs, 32 % des vestiboutiques ont un espace de convivialité, soit un lieu dédié à l’échange, la rencontre, au partage d’un café.

Les boutiques offrent donc plus globalement une première entrée en contact avec la Croix-Rouge française, une première évaluation des besoins, une réponse aux besoins vestimentaires et une orientation qualitative vers des acteurs Croix-Rouge ou vers des partenaires. Les personnes qui en poussent les portent ne reçoivent pas simplement des vêtements, elles sont aussi accompagnées, selon des modalités qui répondent aux objectifs et principes de l’approche globale de l’accompagnement bénévole à la Croix-Rouge française[5]. 77 % des boutiques solidaires ont un bureau « Accueil-écoute-orientation » ou « Petit Salon », un espace fermé propice à la confidentialité et dédié à l’accueil des personnes accompagnées. Ce cadre de confiance et ce temps d’échange permettent d’écouter la personne, de comprendre sa situation, d’identifier ses besoins, de l’orienter vers l’accès aux aides de droit commun et de construire avec elle la réponse adaptée à ses besoins.

L’aide vestimentaire

Ainsi, la réponse aux besoins vestimentaires s’inscrit dans une démarche globale et compréhensive qui fait écho à la situation économique et sociale des personnes accompagnées. Elle ne se réduit pas à combler uniquement un manque de quantité de vêtements, mais à combler les attentes des personnes accompagnées en matière d’habillement selon leurs goûts et l’usage qu’ils souhaitent ou ont besoin d’en faire. L’aide vestimentaire nécessite donc de comprendre les représentations sociales du vêtement et les enjeux identitaires qui expliquent les préférences et pratiques vestimentaires des personnes accompagnées. Cet accompagnement questionne ainsi tout autant l’acte individuel de se vêtir, orchestré par de nombreux idéaux, et les différents facteurs dont il découle et qui sont liés aux normes, le plus souvent implicites, qui caractérisent un environnement, une société. Car l’interprétation et le choix de l’habit sont révélateurs d’une image et d’une identité personnelle, à la fois choisie et biaisée, parfois inconsciente, sous l’influence de codes comme la culture, le milieu social ou encore le sexe et la profession.

Comme l’expliquait Roland Barthes dans un célèbre article publié en 1957 (« Histoire et sociologie du vêtement »), les vêtements que nous portons, comme les mots que nous utilisons, sont des signes. Que nous le voulions ou non, ils prennent sens au regard de normes, implicites ou explicites, consacrées par la société dans laquelle nous vivons. Le vêtement, est à la fois « acte individuel et institution collective », « habillement » et « costume ». Il est « habillement » par le choix personnel que nous faisons chaque matin d’endosser telle ou telle tenue en fonction de notre morphologie, du temps qu’il fait, des tâches que nous avons à accomplir dans la journée. Il est « costume » par les normes communément admises dans le groupe social auquel nous appartenons : c’est au regard de ces normes que notre choix personnel sera interprété – les normes du bon goût, de la mode ou encore de la distinction des sexes, des âges ou du statut professionnel ou social. « Par le vêtement, l’individu actualise sur lui l’institution du costume »[6].

Quentin Bell[7], dans son Essai sur la sociologie du vêtement[8], attire notre attention sur ce qui pour lui constitue une des caractéristiques principales du vêtement : « Qui de nous est insensible au désagrément qu’il y a à porter certains vêtements que nous nous sentons obligés de porter ? [Mais] nous nous plions à la norme. Il n’y a guère de gens pour défier purement et simplement les règles de l’usage ». En matière vestimentaire, il existe des codes, des normes, même si nous n’en avons pas toujours conscience. Indépendamment de notre volonté, l’acte de se vêtir dit quelque chose de nous, manifeste symboliquement ou par convention une essence, une ancienneté, une tradition, une caste, une religion, une génération, une position sociale, un rôle économique…

Par ailleurs, le vêtement est aussi « un lieu privilégié de projection d’une subjectivité et de valeurs, ce qui en fait un signe identitaire puissant »[9]. Le vêtement « participe à la mise en scène du social du simple fait qu’il est vu et lu »[10]. Il est lu, c’est-à-dire interprété, comme indice d’une position ou d’une image sociale. La catégorisation sociale, c’est-à-dire la différenciation que fait un individu pour se démarquer comme appartenant à un groupe se fait notamment par le port de vêtements. La construction vestimentaire est autant une construction pour soi qu’une construction pour les autres[11]. Par le vêtement, nous élaborons un discours pour autrui. Le vêtement est un discours, une seconde peau, il signale des propriétés sociales, révèle des craintes, le désir de laisser paraître quelque chose de sa filiation ou de soi-même.

La notion « d’acte de vêtement » présuppose une action intentionnelle, donc réfléchie et qui engage l’individu qui devient alors, par ce fait, maître de la construction de son identité, du sens qu’il y donne. L’identité se caractérise en outre par une reconnaissance de l’individu, par lui-même et par les autres. A travers le vêtement, on impose ses propres frontières d’identité qui nous permettent d’être reconnus par les autres en tant qu’individus à part entière. Par l’assurance que nous procure le vêtement, nous pouvons ainsi contrôler la perception que les autres ont de nous.

Finalement, explique Roland Barthes, « les gestes et les attitudes corporelles liés aux façons de se vêtir et de se dévêtir sont significatifs de différentes classes d’âge, de sexe, de fonctions, de rangs et de statuts. Le vêtement révèle autant qu’il cache. Il est le signe et la garantie des corps sexués, du statut politique, économique, social et religieux des personnes. Il relève aussi bien d’attitudes attendues et reconnues par un groupe, par une société donnée, que de stratégies de distinction particulières. Il est tributaire d’espaces et de temps précis. »[12]

Par exemple, la manière de se vêtir est soumise à la mode, qui imprègne notre imaginaire collectif.[13] Mais, loin de s’exclure, la volonté de distinction et la recherche d’un conformisme social sont intimement liées dans nos choix vestimentaires.[14] Le paraître a une portée politique et éthique, en ceci que « s’habiller, pour un individu, est un acte sous-tendu par plusieurs exigences et désirs : l’exigence de conformité (ou non) à l’éthique vestimentaire de la société dans laquelle il vit et le désir de personnalisation, d’affirmation de soi dans l’acte de paraître »[15].

Ainsi, explique à nouveau Roland Barthes, « les manières de s’habiller et de se déshabiller – et les discours qui les entourent – sont des révélateurs de pratiques politiques et culturelles ; elles renvoient à des comportements sociaux normés, à une culture des apparences (vestimentaires) et à des constructions idéologiques ; l’allure vestimentaire et corporelle est en ce sens un marqueur d’identité. »[16]

Représentations et usages du vêtement chez les primo-arrivants

Selon une enquête réalisée en novembre 2018 dans 31 boutiques solidaires de la Croix-Rouge française, le public accompagné dans ces boutiques est composé à 77 % de femmes (elles habillent parfois le reste de la famille), dont un tiers sont monoparentales. La majorité des personnes accompagnées ont entre 25 et 50 ans. 41 % sont au chômage et 28 % ont un emploi précaire.

Les migrants représentent près d’un quart (23 %) des personnes recourant à l’aide vestimentaire. Or, répondre aux besoins vestimentaires d’une personne d’une autre culture peut se révéler particulièrement complexe pour les bénévoles. Dépasser la simple fonction matérielle du vêtement pour saisir la symbolique recherchée dans la tenue vestimentaire, ne pas aborder le besoin vestimentaire par le prisme de la culture française, comprendre l’expérience de déracinement et les multiples référentiels culturels que l’on souhaite rendre visible dans la tenue, etc., autant de difficultés qui rendent les questions interculturelles susceptibles d’affecter l’adéquation de l’accompagnement aux besoins des publics migrants accueillis dans les activités d’aide vestimentaire.

Partis souvent avec peu de choses de leur pays d’origine, les exilés doivent composer avec ce qu’ils trouvent, ce qu’on leur donne, ou plus rarement ce qu’ils achètent, pour continuer leur parcours d’émigration. Le contexte de survie dans lequel ils sont placés au cours du voyage, ainsi que les nécessités du quotidien (se laver, se nourrir, se soigner, s’abriter…) les amènent à composer avec de nombreux objets, dont des vêtements, qui sont autant de marqueurs de leur condition de clandestin et sont très souvent au centre des interactions qui peuvent s’instaurer entre les exilés à la marge et le reste de la société. « C’est particulièrement visible dans le cadre de la relation humanitaire car l’aide proposée aux exilés est d’abord matérielle et concrète (nourriture, soins, vêtements, matériaux pour la construction d’un abri…) », constate Olivier Thomas.[17]

Au cours de sa recherche menée à Cherbourg, Olivier Thomas a en effet constaté que « la plupart des migrants font attention, tant qu’ils le peuvent, à choisir les vêtements et les chaussures qu’ils obtiennent auprès des associations humanitaires et caritatives »[18], tant la tenue vestimentaire est un marqueur social. Aussi, parlant des Kurdes irakiens, un bénévole d’une association locale lui fit remarquer en souriant : « S’ils veulent des chaussures blanches, ils vont jeter les noires même si elles sont neuves. Ils sont exigeants. Tu vois pour certains que ce sont des bourgeois… »[19]. En qualifiant les exilés d’exigeants et de bourgeois, « ce bénévole faisait implicitement référence à l’importance qu’ils accordent à la présentation de soi »[20]. Selon Olivier Thomas, il y a deux logiques qui sous-tendent ce comportement. La première serait liée à la position sociale qu’ils occupaient dans leur pays d’origine. « Par exemple, beaucoup parmi ceux qui ont transité par Cherbourg entre 2002 et 2009 étaient issus des catégories sociales supérieures (médecins, professeurs à l’université, avocats…) et il leur arrivait de refuser des vêtements qui auraient marqué trop fortement leur déclassement social. Cela pouvait d’ailleurs susciter l’incompréhension des bénévoles des associations caritatives habitués à venir en aide à des personnes démunies prêtant moins d’importance à la qualité ou au caractère démodé des vêtements. »[21] L’autre logique serait liée au voyage clandestin. « La tenue vestimentaire participe en effet à la reconnaissance des rôles de chacun : le bénévole d’un côté, l’exilé de l’autre. Porter de vieux vêtements démodés fournis par des associations tend à assigner les individus dans le rôle de l’émigrant et du même coup à les dépersonnaliser en leur désignant une place. Les vêtements peuvent donc contribuer, symboliquement, à déposséder la personne de ce qu’elle est. »[22]

Quelle que soit l’explication à donner à cette remarque, cet exemple illustre bien la difficulté pour des bénévoles de saisir complètement l’aspect symbolique du vêtement pour les personnes migrantes, l’importance fondamentale de l’image qu’ils renvoient autour d’eux, et la façon dont leur tenue peut être un marqueur social positif ou négatif dans la construction de cette représentation d’eux-mêmes.

Frédéric Delangle et Ambroise Tézenas, photographes, se sont intéressés au rôle des vêtements chez les migrants, « en quoi ils dénoncent, trahissent ou protègent – et pas juste du froid »[23]. Aidés de bénévoles d’Emmaüs, ils leur ont demandé de choisir une pièce dans le vestiaire avant de les photographier et de recueillir leurs témoignages sur le choix de leur tenue. Ces récits dévoilent toute la complexité du rapport au vêtement de ces jeunes hommes : l’importance d’une tenue pour se protéger du froid, mais de conserver aussi une tenue qui vient du pays d’origine[24] ; le souhait de choisir des tenues du pays d’accueil, mais qui s’accordent avec celles du pays d’origine[25] ; le désir d’être « à la mode », d’être habillé comme tout le monde, pour ne pas être vu, ne pas déranger, ne pas être stigmatisé en raison du port de vêtements traditionnels[26] ; la volonté de s’émanciper vis-à-vis des codes vestimentaires du pays d’origine[27] ; la peur du regard des autres en fonction de la tenue que l’on porte[28].

« Les exilés ont compris l’importance de l’image qu’ils renvoient », selon Olivier Thomas[29]. Par exemple, la plupart de ceux qui tentent de passer clandestinement en Angleterre en se cachant sous ou à l’intérieur des camions mettent plusieurs couches de vêtements, dans l’objectif est de disposer de vêtements propres à l’arrivée, car de la poussière et de la graisse sur le pantalon ou le manteau les feraient immédiatement repérer à la descente des camions. Aussi, de manière générale, porter des vêtements propres permet de se détacher des représentations communes du clandestin et donc de l’indésirable[30] et d’échap­per au processus d’étiquetage. « Au quotidien, pour ceux qui sont dans l’attente de passer, la tenue vestimentaire peut d’ailleurs constituer un camouflage efficace pour se fondre dans la population locale. Dans différentes villes et villages de transit (Cherbourg, Dieppe, Dunkerque ou Calais entre autres), il est intéressant de remarquer que la plupart des habi­tants ne voient pas les exilés parmi eux. Dans les discours, le migrant est presque toujours ailleurs, dans un lieu caché ou à l’écart. Pourtant, ils fréquentent les centres-villes, les marchés, ou encore les bureaux de tabac… Mais lorsqu’ils portent des vêtements propres et récents, il est difficile de les différencier du reste de la population si on ne connaît pas leur visage. Ainsi, le vêtement est un objet important au cours de l’émigration puisqu’il peut participer à la reconnaissance des individus en tant qu’exilés (et « clandestins ») et par conséquent à la définition des comportements ou la forme des relations sociales qui vont s’instaurer à leur égard. »[31]

Objectifs de la recherche

Le vêtement véhicule une image de soi en société, ce qui le place au cœur de la problématique des identités. Il est aussi « l’instrument de la dignité de l’homme et le symbole de sa fonction humaine »[32]. Cet objet est donc d’une importance fondamentale. Or, « l’acte de vêtement », pour reprendre l’expression de Roland Barthes, demeure encore négligé par les sciences sociales, notamment la sociologie[33]. En particulier, la façon dont la migration affecte les modes vestimentaires de ceux qui décident de vivre ailleurs[34][35] pose de nombreuses questions et hypothèses qui méritent d’être étudiées. Par exemple, le souci de se fondre dans la masse, pour ne surtout pas être considéré comme un réfugié[36][37][38], via des vêtements à l’allure d’universalité sans référence culturelle spécifique (chemise, tee-shirt, jean, parka, survêtement, bonnet, sac à dos, capuches etc.) serait bien plus important chez les hommes migrants que chez les femmes.[39]

C’est pour participer à la réflexion sur les représentations et usages du vêtement chez les primo-arrivants et la nécessité d’intégrer les enjeux interculturels pour mieux adapter les activités textiles de la CRf que la Fondation Croix-Rouge française a décidé de lancer cet appel. Celui-ci invite à étudier les usages plurivoques du vêtement chez les personnes migrantes, tantôt marqueur culturel pour réaffirmer une identité malmenée par l’expérience de l’exil, tantôt marqueur social pour affirmer sa place au sein d’un groupe et rompre avec une situation de déclassement induite par les privations et les vexations quotidiennes vécues dans la société hôte, etc.

Ces usages multiples du vêtement sont potentiellement liés à la diversité des trajectoires individuelles induites par le vécu migratoire, et à des déterminants sociodémographiques (âge, sexe…), économiques et culturels à prendre en compte dans la réponse apportée par les bénévoles impliqués. Les questions interculturelles sont susceptibles d’affecter l’adéquation de l’accompagnement de la Croix-Rouge française aux besoins des publics primo-arrivants accueillis dans les activités d’aide vestimentaire, en raison de référentiels culturels différents entre les bénévoles et les personnes accueillies. La prise en compte de ces dimensions pourrait renforcer la relation d’accompagnement que la Croix-Rouge française, à travers toutes ses activités, ambitionne de proposer à toute personne en situation d’exil et/ou de vulnérabilité et améliorer l’offre proposée dans les vestiboutiques, boutiques Chez Henry et vestiaires.

  • Quels sont les déterminants sociaux, économiques, culturels expliquant la fonction et l’usage attribués aux vêtements par les personnes migrantes ?
  • Comment les bénévoles appréhendent-ils les enjeux interculturels dans les boutiques solidaires de la CRf ?
  • Quels sont les effets collatéraux d’un manque de compréhension des préférences et pratiques vestimentaires des personnes migrantes accompagnées ?
  • Quels outils, quelles formations proposer aux bénévoles pour accompagner le public primo-arrivant ?
  • Comment adapter l’offre vestimentaire au public primo-arrivant dans les activités textiles de la CRf ?

[1] Les TLC (Textiles d’habillement, Linge de maison et Chaussures) regroupent les vêtements, draps et serviettes, nappes et mouchoirs, chaussures de ville et de sport, accessoires, etc. Ne sont pas concernés : le tissu d’ameublement, les vêtements professionnels, les chaussures « techniques » (chaussures de ski, roller), les équipements de protection.

[2] Aujourd’hui on compte environ 670 vestiboutiques et 285 vestiaires de la CRf répartis partout sur le territoire français. Depuis peu, la CRf a créé un nouveau modèle de « boutique solidaire », les boutiques « Chez Henry »[2], qui réaffirment la vocation sociale des boutiques par l’accueil et l’orientation des personnes en situation de précarité, l’animation d’ateliers qui favorisent le lien social, mais se veulent aussi de vrais lieux de vie, ouverts à tous.

[3] Une convention doit être signée avec les services sociaux pour en décrire les modalités. L’UL émet des chéquiers de la valeur estimée du montant de l’aide sociale. Ce sont alors les services sociaux qui distribuent les chéquiers dont les valeurs faciales sont déterminées en fonction des besoins. C’est une pratique qui responsabilise les personnes accompagnées et qui les place en « client » comme le reste du public.

[4] La mise en place de « bons d’achat » est réalisée en collaboration étroite avec les travailleurs sociaux. C’est notamment une façon de ne pas stigmatiser les personnes au moment du passage en caisse. Différents types de bons existent qui sont gratuits (valeur faciale) ou qui proposent une réduction de 50 % par exemple.

[5] Chaque personne en situation de vulnérabilité qui pousse la porte de la CRf doit y trouver un accueil inconditionnel, une écoute bienveillante et une réponse adaptée à ses besoins. La CRf vise une approche globale de la personne en intégrant dans l’accompagnement toutes les dimensions de la vie : il s’agit d’élaborer ensemble un projet, d’ouvrir l’accès aux droits, à l’emploi, aux activités culturelles, d’accompagner à la gestion du quotidien, etc. L’accompagnement global bénévole poursuit plusieurs objectifs : renforcer l’estime de soi et la confiance en soi ; accompagner vers l’autonomie ; développer le pouvoir d’agir des personnes accompagnées ; promouvoir la participation ; redonner une visibilité et une parole aux personnes dites « invisibles ». L’accompagnement global s’illustre au travers de 5 piliers qui ont été définis afin de décomposer plus finement ses attendus et ses principes : l’accueil, l’écoute, l’orientation, l’approche individualisée, l’approche participative.

[6] Roland Barthes, Histoire et sociologie du vêtement, Annales ESC, 3, 1957, p. 432.

[7] Dans les années 1970 Quentin Bell développe une sociologie générale du vêtement, montrant le rôle de celui-ci dans la socialisation des humains dans toutes les sociétés. Pour ce faire, il s’est appuyé sur le travail de Thorstein Veblen (1970) qui fait le lien entre les vêtements et les gestes qu’ils autorisent, limitent ou empêchent dans l’affirmation d’une distinction.

[8] Quentin Bell (1992), Mode et société : essai sur la sociologie du vêtement, Paris, Presses universitaires de France., coll. « Sociologie », 262 p.

[9] Fabienne POMEL (2017), « Quand le vêtement fait signe. Le Roman de la Rose et l’écriture allégorique des parures », Sociopoétiques, n° 2 | 2017 : Sociopoétique du vêtement.

[10] Denis Fleurdorge (2005), « Du vêtement en général… et de celui de l’exclusion en particulier », « S’habiller », Le Sociographe, n° 17, 2005, 128 p.

[11] Sylvie Pouilloux (2005), « La construction vestimentaire. Au carrefour du social, du symbolique et du psychique », « S’habiller », Le Sociographe, n° 17, 2005, 128 p.

[12] Gherchanoc, Florence, et Valérie Huet. « Pratiques politiques et culturelles du vêtement. Essai historiographique », Revue historique, vol. 641, no. 1, 2007, pp. 3-30.

[13] Frédéric Monneyron (2021), La sociologie de la mode, Collection : Que sais-je ?

[14] Frédéric Monneyron (2021), La sociologie de la mode, Collection : Que sais-je ?

[15] Abou NdiayeL’ordre vestimentaire. De la distinction par l’habillement à la culture de l’élégance, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2014, 310 p.

[16] Gherchanoc, Florence, et Valérie Huet. « Pratiques politiques et culturelles du vêtement. Essai historiographique », Revue historique, vol. 641, no. 1, 2007, pp. 3-30.

[17] Olivier Thomas, « Les objets et la condition de migrant », Géographie et cultures, 91-92 | 2014, 175-195.

[18] Ibid.

[19] Ibid.

[20] Ibid.

[21] Ibid.

[22] Ibid.

[23] « Comment les vêtements des migrants racontent leur histoire ? », Néon, 15/10/2018, https://www.neonmag.fr/comment-les-vetements-des-migrants-racontent-leur-histoire-et-leur-desir-dintegration-519142.html

[24] « J’ai 18 ans et je suis afghan. J’ai choisi ce sweat car dehors il fait froid. Il y a une capuche pour se protéger. Et c’est joli aussi. C’est assorti à ma robe, vous voyez. Ma robe, elle, vient de mon pays. J’ai passé deux ans en Belgique et ma mère a donné cette robe bleue à un ami qui m’a retrouvé en Belgique. J’ai aussi un jean et un pull, mais ils sont sales, là. Je n’ai que deux tenues. Ma robe et mon jean européen. » Témoignage de Mohammed, 18 ans, réfugié afghan. Coralie Kraft (2019), « How Migrants New to Paris Express Themselves Through Style », The New Yorker, 4 avril 2019 https://www.newyorker.com/culture/photo-booth/how-migrants-new-to-paris-express-themselves-through-style

[25] « J’ai choisi ce tee-shirt car il est très beau et, en plus, c’est ma taille. Il me va comme si c’était le mien. Il va bien avec mon turban. Au Soudan, dans ma région, tous les hommes portent un turban. » Témoignage d’Ahmad, 19 ans, réfugié soudanais. « Comment les vêtements des migrants racontent leur histoire ? », Néon, 15/10/2018, https://www.neonmag.fr/comment-les-vetements-des-migrants-racontent-leur-histoire-et-leur-desir-dintegration-519142.html

[26] « Là, j’ai choisi un pantalon beige-kaki qui est ma couleur préférée. C’est une couleur unique. Etre à la mode, c’est attirer les gens autour de vous et donner une bonne image de vous. La mode traditionnelle en Guinée est très colorée, avec des couleurs électriques dans les motifs. […] Faut pas se mentir, je ne suis pas tellement bien dans les habits traditionnels. […] Ici, nous voulons vivre comme tout le monde. Mon idée, ce n’est pas d’offenser quelqu’un, je suis venu pour chercher à être dans la norme, je ne veux pas de problème. C’est pourquoi j’ai dit que j’avais peur des images. » Témoignage d’Aboubacar, 21 ans, réfugié guinéen (Guinée-Conakry). Coralie Kraft (2019), « How Migrants New to Paris Express Themselves Through Style », The New Yorker, 4 avril 2019 https://www.newyorker.com/culture/photo-booth/how-migrants-new-to-paris-express-themselves-through-style

[27] « J’aime ces habits… j’aime m’habiller comme un Américain ! En Somalie, on ne s’habille pas aussi serré, vous savez, on met des habits plus larges. Ma famille n’aimerait pas trop me voir habillé comme ça. Ils trouveraient ça trop près du corps. En France, je suis libre de m’habiller comme je veux. » Témoignage de Bashir, 20 ans, réfugié somalien. Coralie Kraft (2019), « How Migrants New to Paris Express Themselves Through Style », The New Yorker, 4 avril 2019 https://www.newyorker.com/culture/photo-booth/how-migrants-new-to-paris-express-themselves-through-style

[28] « Quand je mets cette tenue [sa robe afghane] à Paris, je n’aime pas car on me regarde, tout le monde me regarde, ils pensent que je suis un terroriste. Je ne veux pas qu’on me regarde. Une fois, une fille dans la rue m’a dit : “C’est très joli, cette robe.” Je lui ai dit : “Merci.” » Témoignage de Mohammed, 18 ans, réfugié afghan. « Comment les vêtements des migrants racontent leur histoire ? », Néon, 15/10/2018, https://www.neonmag.fr/comment-les-vetements-des-migrants-racontent-leur-histoire-et-leur-desir-dintegration-519142.html

[29] Olivier Thomas, « Les objets et la condition de migrant », Géographie et cultures, 91-92 | 2014, 175-195.

[30] Michel Agier (2011), « Il y a le monde, et il y a les indésirables au monde », Article 11http://www.article11.info/?Michel-Agier-Il-y-a-le-monde-et-il

[31] Olivier Thomas, « Les objets et la condition de migrant », Géographie et cultures, 91-92 | 2014, 175-195.

[32] André Leroi-Gourhan (1973), Evolution et Techniques, 2 Milieu et Techniques. Paris : Albin Michel.

[33] Clara Lévy et Alain Quemin (dir.) (2011), « Pour une sociologie de la mode et du vêtement », Sociologie et sociétés, vol. XLIII, n° 1, printemps 2011.

[34] « L’habit ne fait pas le migrant », Cultures et migrations. Les apports artistiques et culturels des migrations d’hier et d’aujourd’hui, Cycle de conférences organisé par Emmaüs solidarité et le Musée de l’Histoire de l’immigration, Centre d’hébergement Jean Quarré, Paris, février 2017.

[35] Jacques Barou, « Variations des comportements vestimentaires chez les immigrés africains », Hommes & migrations, 1310 | 2015, 93-98.

[36] Anna Topaloff (2018), « Why Fashion Can Be Vital for Some Refugees », Vice, 7 août 2018. https://www.vice.com/en/article/mbk8ga/why-fashion-can-be-vital-for-some-refugees

[37] Tuva Wiking Holmlander (2021), « ‘’Material Survival Strategies’’: Protective Dress Practices Among Young Afghan Migrants in Sweden », The Fashion Studies Journal.

[38] Kaisu Koskela (2021) « Claims to a nation, dressing the part and other boundary making strategies by skilled migrants in response to ethnic categorization », Social Identities, 27:2, 245-261.

[39] « La migration au féminin : les vêtements des femmes migrantes », projet de Monique Selim et Wenjing Guo mené dans le cadre du projet MIGROBJETS, qui propose une analyse multilingue et pluridisciplinaire des images d’objets des exilés diffusés sur internet (journaux en ligne, plateformes pour les migrants, blogs, reportages photographiques, réseaux sociaux, musées) afin d’en mesurer les impacts en termes de construction des figures du migrant dans les pays de destination et de départ. Voir Corinne Alexandre-Garner et Alexandra Galitzine-Loumpet (Dir.) (2020), L’objet de la migration, le sujet en exil, Presses universitaires de Paris-Ouest Nanterre.

Zone géographique de recherche

 

La recherche aura lieu en France.

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Dates clés :

• 1er août 2022 : lancement de l’appel
• 13 septembre 2022 : clôture de l’appel à minuit (heure de Paris)

• 14 octobre 2022 : annonce des résultats
• 1er novembre 2022 : début de la recherche

• 1er novembre 2023 : rendu des livrables finaux

Mots-clés :

  • Migration
  • Exil
  • Vêtement
  • Textile

Financé par :

Crédit photo : ©Croix-Rouge française/Seine maritime