Covid-19 en Afrique : quel rôle des volontaires pour une action résiliente ? 

L’appel sera ouvert durant au moins cinq semaines à compter du lancement le 30 avril 2020, et se terminera le 4 juin. L’appel pourra être prolongé si nécessaire. Au cours de cette période, les candidatures seront examinées par cycles. Il y aura 2 cycles d’examen des candidatures : le premier sera clos le 17 mai à minuit (heure de Paris), tandis que le second sera clos le 4 juin à minuit (heure de Paris). La Fondation fournira une décision de financement à chaque candidat dans les deux semaines suivant la date limite de chaque cycle. L’objectif de la Fondation est de soutenir une recherche qui éclairera directement la réponse à l’épidémie actuelle de Covid-19. Les chercheurs devront être en mesure de démarrer les activités de recherche dès que possible afin que les résultats éclairent la réponse actuelle.

Thématique de recherche

Le 31 décembre 2019, le bureau de l’OMS en Chine a été informé que des cas de pneumonie de cause inconnue avaient été détectés dans la ville de Wuhan, dans la province chinoise du Hubei. Les autorités chinoises ont identifié qu’il s’agissait d’un type de coronavirus inconnu (Covid-19). Le nombre de cas confirmés de Covid-19 a augmenté rapidement en Chine et dans le monde, et dès le 30 janvier 2020 l’OMS a déclaré que la maladie était une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI)[1].

D’après le suivi en temps réel[2] de propagation de l’épidémie réalisé par l’université Johns Hopkins, plus de 2,5 millions de cas d’infection au coronavirus et près de 180 000 morts ont été confirmés dans le monde le 22 avril 2020. Les Etats-Unis concentrent à eux seuls environ un tiers des personnes diagnostiquées à l’échelle mondiale (près de 830 000 cas et 45 000 morts), et l’Europe près de deux tiers des décès (environ 110 000). Le virus est désormais présent sur tous les continents, dans 193 pays et territoires, et la pandémie prend chaque jour un peu plus d’ampleur dans le monde : humainement, avec des bilans toujours très élevés, malgré un confinement qui concerne désormais 4,5 milliards de personnes dans plus d’une centaine de pays ; économiquement, avec des centaines de milliers d’entreprises à l’arrêt et une crise sociale et humanitaire qui s’annonce catastrophique, notamment en Afrique.

En Afrique subsaharienne le premier malade a été détecté le 27 février. Le 20 mars, le directeur de l’OMS appelait l’Afrique à « se préparer au pire dès aujourd’hui ». Le 22 avril, plus de 23 500 cas ont été détectés et 1 158 décès comptabilisés dans 52 des 54 pays du continent, selon le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), l’agence spécialisée de la Commission de l’Union africaine (UA). Les chiffres du CDC Afrique montrent également que dans le contexte de la propagation rapide du virus sur le continent, les pays fortement affectés par le COVID-19 comprennent l’Égypte, avec 3 333 cas confirmés, l’Afrique du Sud avec 3 300 cas, le Maroc avec 3 064 cas et l’Algérie avec 2 718 cas. L’Afrique de l’Ouest[3] est pour l’instant moins touchée, avec un bilan de cas d’infection au COVID-19 de 6 099 cas confirmés, 157 morts et 1 820 guéris.

La plupart des pays d’Afrique de l’Ouest ont mis en place des mesures de prévention immédiates[4] comme la fermeture des frontières aériennes, terrestres et maritimes, la mise en place de couvre-feux, l’interdiction de rassemblements, la fermeture des lieux de culte, des écoles, des restaurants et des cafés. Le Rwanda, l’Afrique du Sud ou Maurice ont été parmi les premiers du continent à prendre des mesures de confinement. Les Plans de Riposte visant à endiguer la propagation de la maladie mettent sous tension le fonctionnement habituel de l’ensemble des secteurs du pays : administration, commerce, agriculture, santé, éducation, etc. La capacité des gouvernements à appliquer des décisions politiques adaptées au bon moment ainsi que la capacité d’absorption des services de santé et de secours à les mettre en œuvre apparaissent comme des éléments clés pour la maîtrise de la pandémie. Or en Afrique de l’Ouest, les services de santé présentent de nombreuses fragilités structurelles et se trouvent souvent sous pression en situation normale. La plupart des pays manquent de médicaments, de personnel soignant, d’équipements de protection et, ont des capacités d’accueil limitées en soins intensifs. A titre d’exemple, le Niger ne compte qu’un lit d’hôpital pour 3 300 personnes et la Guinée ne disposait que d’un médecin pour plus de 12 600 personnes en 2016[5]. Ainsi, des saturations sont à craindre rapidement en cas de prise en charge massive des malades souffrant du coronavirus.

Dans chaque pays où il est représenté, le Mouvement Croix-Rouge et Croissant-Rouge a un rôle de premier plan à jouer dans la lutte contre cette pandémie mondiale. La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), en étroite collaboration avec les partenaires de santé mondiaux et locaux, fournit une évaluation continue des risques et des orientations pour aider les sociétés nationales à mettre en œuvre une riposte épidémique, un soutien social et des activités d’atténuation de l’impact épidémique. En collaboration avec l’OMS et l’UNICEF, la FICR a mis au point un modèle de stratégie et des directives RCCE (Communication des risques et engagement communautaire) avec des recommandations pour chaque phase de l’épidémie (préparation, confinement et atténuation). Aussi, au-delà de l’appui technique à certaines sociétés nationales, la FICR utilise des outils d’évaluation opérationnelle développés pour recueillir les perceptions et la compréhension de l’épidémie par les populations et suivre les retours d’information et les rumeurs qui peuvent éclairer une préparation et une riposte à l’épidémie plus solides.

Au niveau international, les acteurs de la recherche se sont mobilisés pour déterminer les axes stratégiques à explorer afin de soutenir la réponse opérationnelle à cette nouvelle épidémie. Les 11 et 12 février 2020, des scientifiques du monde entier se sont réunis au siège de l’Organisation mondiale de la santé à Genève pour évaluer le niveau actuel de connaissances sur le nouveau virus, convenir des questions de recherche essentielles auxquelles il faut répondre de toute urgence et des moyens de travailler ensemble pour accélérer et financer les recherches prioritaires qui peuvent contribuer à réduire cette flambée épidémique et à se préparer aux épidémies futures. L’OMS et le réseau Glopid-R ont ainsi adopté une feuille de route[6] sur la recherche comprenant plusieurs priorités, dont certaines concernent les sciences sociales.

Parmi les questions prioritaires identifiées, cette feuille de route encourage les activités de recherche traitant de l’impact des mesures de prévention, de gestion du confinement ou encore d’aide aux personnes atteintes du Covid-19, sur le bien-être physique et psychologique des personnes engagées dans la réponse au virus. Quelles sont les approches pertinentes, acceptables et réalisables pour soutenir la santé physique et les besoins psychosociaux de ceux qui dispensent des soins aux patients Covid-19 ?[7] L’impact de l’infection par Covid-19 sur les travailleurs de première ligne soulève en effet des inquiétudes quant à la meilleure façon de protéger leur santé physique et mentale. Les pays et organisations luttant contre la propagation du virus doivent préparer leur personnel à appliquer des procédures de prévention et de contrôle efficaces, renforcer leur résilience, anticiper les besoins psychosociaux et planifier pour permettre la continuité clinique.

La Fondation Croix-Rouge se mobilise afin d’encourager cet effort en proposant une bourse de recherche en sciences humaines et sociales pour étudier les conséquences des modalités de réponse au Covid-19 sur les personnels volontaires des organisations engagées (organisations non gouvernementales nationales et internationales, organisations de la société civile, etc.) et leurs activités. Dans une préoccupation de recherche appliquée pouvant aider à mieux se préparer pour de futurs évènements similaires – dans les pays du Nord comme du Sud –, cette recherche s’intéressera à l’expérience que font les volontaires des différentes mesures de santé publique mises en œuvre par les équipes d’intervention, dont le confinement.

Plusieurs études sur le SRAS ont mis en évidence les facteurs institutionnels, sociaux et psychologiques qui affectent le bien-être des travailleurs de la santé, ainsi que les facteurs associés à la résilience et à l’épuisement professionnel après l’événement[8]. D’autres travaux ont démontré l’efficacité de l’action volontaire pour soutenir les interventions de réponse à une épidémie, notamment lors de la maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest[9]. Les précieux enseignements tirés de ces recherches peuvent aider les organisations à développer des stratégies fondées sur des preuves tangibles pour la protection des personnels engagés. En ce sens, et consciente de l’importance de l’action volontaire dans ce contexte, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a publié un guide sur l’action des volontaires en contexte épidémique[10] avant, pendant et après l’épidémie. Cependant il existe peu de travaux s’intéressant à la participation des volontaires (en particulier les volontaires locaux) dans le cadre d’une réponse à une épidémie, contrairement à d’autres contextes d’urgence plus étudiés, comme les conflits armés[11] ou les catastrophes naturelles, et essentiellement construits à partir de méthodes quantitatives[12].

La Fondation Croix-Rouge encouragera particulièrement les projets proposant des réponses aux questions suivantes :

  1. Quelles sont les perceptions des mesures de réponse (confinement, isolement, prise en charge médicale, sensibilisation…) et de prévention par les volontaires qui en font l’expérience ? Comment ces perceptions varient-elles selon les territoires et aux différents stades épidémiques, et influent-elles sur les actions menées ?
  2. Comment les volontaires réagissent-ils à ces mesures, pendant et en dehors de leurs activités, et procèdent-ils pour éventuellement les adapter à la diversité des situations qu’ils rencontrent ? Y a-t-il des implications notables selon le genre et l’âge des volontaires ?
  3. Comment les organisations peuvent mieux soutenir et protéger les volontaires et personnels exposés tout en assurant une continuité de leurs missions vers les publics les plus fragiles ou vulnérabilisés par l’épidémie ?
  4. Comment promouvoir efficacement l’adhésion des volontaires aux mesures de réponse ?
  5. Comment les bénéfices et les risques de la participation des volontaires à la réponse à l’épidémie varient-ils selon les difficultés propres à chaque contexte d’intervention, notamment la collaboration avec les établissements de santé ?
  6. Quelles sont les transformations de l’engagement volontaire existant et les nouvelles formes d’engagement, voire de désengagement du fait de l’épidémie.
  7. Dans quelles mesures les organisations et leur réseau volontaire parviennent à innover,  transformer les pratiques, et co-construire une nouvelle réalité sociale de l’engagement ?

Par ailleurs, la mobilisation citoyenne face à l’épidémie a amené de nombreux acteurs associatifs à gérer un afflux massif et inédit de volontaires ponctuels depuis le début de la crise, ce qui se révèle être à la fois une formidable ressource et une préoccupation de tous les instants pour assurer leur bonne préparation et intégration.

  1. Pourquoi et de quelles façons de nombreux citoyens ont-ils souhaité s’engager en tant que volontaires face à la crise, et comment envisagent-ils leur engagement dans la durée ? Comment se sont déroulées leur intégration et préparation ?
  2. Le caractère inédit du Covid-19 et la potentielle longue durée de la « phase d’urgence » et de mobilisation des personnels volontaires auront-ils un impact sur leur engagement et sur celui des autres volontaires des associations ?
  3. Comment l’engagement volontaire en contexte épidémique est-il perçu par les proches et environnements sociaux des volontaires ?
  4. En quoi ce type d’engagement se différencie-il d’autres types de bénévolat, notamment en termes d’investissement et d’impact sur la vie personnelle des volontaires ?

Ces questions de recherche ne sont que des pistes proposées pouvant bien sûr être adaptées en fonction de l’évolution de la situation. La conduite de la recherche sera étroitement liée aux projets et dispositifs mis en œuvre actuellement dans le cadre de la réponse au Covid-19 par les organisations engagées (organisations non gouvernementales nationales et internationales, organisations de la société civile, etc.) dans les pays concernés par cet appel, mais également aux dispositifs mis en œuvre à une date ultérieure de cet appel, selon l’évolution de l’épidémie.

[1] OMS https://www.who.int/fr/news-room/detail/30-01-2020-statement-on-the-second-meeting-of-the-international-health-regulations-(2005)-emergency-committee-regarding-the-outbreak-of-novel-coronavirus-(2019-ncov)

[2] Coronavirus Covid-19 Global Cases by Johns Hopkins CSSE https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6

[3] La région comprend notamment le Burkina Faso (609 cas et 39 décès au 21/04/2020), le Cameroun (1 163 cas et 43 décès au 21/04/2020), la Côte d’Ivoire (952 cas et 14 décès au 22/04/2020), le Sénégal (442 cas et 6 décès au 22/04/2020), la Guinée (761 cas et 6 décès au 22/04/2020), le Niger (662 cas et 22 décès au 22/04/2020), le Mali (293 cas et 17 décès au 22/04/2020).

[4] E. Bonnet, O. Bodson, C. Mattern,  I. Sieleunou, A. Coulibaly, A. Zongo, F. Le marcis, V. Ridde, F. Roy, M. Morelle, Représentants IRD Afrique de l’Ouest et Centrale, Fondation Paul Ango Ela, F Fournet, A. Bekelynck, F. Binetou Diongue https://www.covid19afrique.com/

[5] OMS, Global Health Observatory data repository, Hospital bed density, Data by country https://apps.who.int/gho/data/node.main.HS07?lang=en

[6] OMS, A coordinated Global Research Roadmap https://www.who.int/blueprint/priority-diseases/key-action/Roadmap-version-FINAL-for-WEB.pdf?ua=1

[7] Ibid.

[8] Imai, T., et al., Perception in relation to a potential influenza pandemic among healthcare workers in Japan: Implications for preparedness. Journal of Occupational Health, 2008. 50(1): p. 13-23.

Brooks, S.K., et al., A Systematic, Thematic Review of Social and Occupational Factors Associated With Psychological Outcomes in Healthcare Employees During an Infectious Disease Outbreak. Journal of Occupational and Environmental Medicine, 2017. 60(3): p. 248-257.

Yassi, A., et al., Research gaps in protecting healthcare workers from SARS and other respiratory pathogens: An interdisciplinary, multi-stakeholder, evidence-based approach. Journal of Occupational and Environmental Medicine, 2005. 47(1): p. 41-50.

Wu, P., et al., The Psychological Impact of the SARS Epidemic on Hospital Employees in China: Exposure, Risk Perception, and Altruistic Acceptance of Risk. The Canadian Journal of Psychiatry, 20019. 54(5): p. 302-311.

[9] Stellmach, Darryl, Isabel Beshar, Juliet Bedford, Philipp du Cros, et Beverley Stringer. 2018. « Anthropology in public health emergencies: what is anthropology good for? » BMJ Global Health. 3(2) : e000534

OMS. 2014. Flambées épidémiques de maladie à virus Ebola et Marburg: préparation, alerte, lutte et évaluation. OMS Genève.

[10] IFRC, Epidemic Control for Volunteers – A training manual

Le manuel « Contrôle des épidémies à l’usage des volontaires », qui est conjointement utilisé avec une trousse à outils, est un module de formation axé sur les maladies épidémiques et les moyens de les limiter. Il a été conçu pour une utilisation par des volontaires et les formateurs de la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

La Fédération a par ailleurs publié un rapport sur la résilience communautaire, qui aborde le rôle des communauté face à ce type d’événement : https://media.ifrc.org/ifrc/document/ifrc-framework-community-resilience/

[11] The Volunteering in Conflicts and Emergencies Initiative (ViCE), dirigée par la Croix-Rouge suédoise, en partenariat avec le Center for International Development de l’Université de Northumbria. L’initiative ViCE ne concerne pas exclusivement le contexte des conflits armés mais aussi les situations d’urgence en général, ce qui peut s’appliquer au contexte des épidémies.

[12] Kpanake, L., Dounamou, T., Sorum, P.C. et al. What motivates individuals to volunteer in Ebola epidemic response? A structural approach in Guinea. Hum Resour Health 17, 81 (2019). https://doi.org/10.1186/s12960-019-0409-x

Zones géographiques de recherche

Ces thèmes pourront être abordés dans une zone géographique comportant un ou plusieurs pays. La Fondation a identifié pour cet appel onze zones prioritaires :

Burkina Faso Madagascar
Burundi Mali (chercheurs résidents seulement)
Comores Maurice
Côte d’Ivoire Niger (chercheurs résidents seulement)
Cameroun Sénégal
Guinée

Candidatures closes

Bourse de recherche (individuelle)

Nombre de bourses : 1

Montant : 17 000 €

Le lauréat bénéficiera en outre de :

• suivi scientifique et tutorat personnalisés
• accompagnement dans la valorisation des résultats de la recherche (traduction en anglais, publication sur ce site, soutien pour publier dans des revues d’excellence et notamment dans la revue Alternatives humanitaires, participation aux Rencontres de la Fondation)
• abonnement d’un an à la revue Alternatives humanitaires
• adhésion d’un an à l’IHSA

Dates clés :

• 30 avril 2020 : lancement de l’appel
• 17 mai : clôture 1er cycle candidatures
• 4 juin : clôture 2ème cycle candidatures
• Annonce résultats dans les 2 semaines
• Début des recherches : dès que possible
• Durée des recherches : 1 an

Mots-clés :

• Bénévolat
• Épidémie
• Santé
• Afrique