Le projet de recherche

Connaissances, attitudes et pratiques des bénévoles et des populations urbaines face à la pandémie du nouveau Coronavirus. Le cas de l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince

Cette recherche élaborée dans le temps de l’urgence vise à mieux cerner les besoins des volontaires dans le contexte épidémique actuel, l’objectif étant d’améliorer leur préparation, leur accompagnement et leurs actions sur la base d’informations probantes et mobilisables face aux crises sanitaires à venir.

 

Un état des lieux des connaissances à la disposition des bénévoles

 

En Haïti, l’épidémie a surtout été investiguée dans ses effets collatéraux (sur le genre, les personnes handicapées ou encore la sécurité alimentaire). Aucune recherche n’a été conduite auprès d’acteurs intervenant sur le terrain, notamment les volontaires, engagés dans la réponse rapide de la Croix-Rouge haïtienne à l’épidémie de Covid-19.

Pourtant, la gestion d’un tel problème de santé publique repose en grande partie sur les informations disponibles à propos des connaissances, perceptions et comportements des populations, la disponibilité de ces informations à propos des acteurs de terrain, ainsi que l’intérêt que les volontaires ont de prendre, ou pas, au sérieux les recommandations des autorités sanitaires.

A l’initiative de la Croix-Rouge haïtienne, plusieurs interrogations ont été soulevées : de quelles informations les volontaires disposent-ils au sujet de l’épidémie ? Dans quelle mesure les bénéfices de leur implication dépendent-ils de facteurs psychologiques, sociaux et culturels ? En quoi ces facteurs influencent-ils leurs perceptions et comportements face au risque épidémique ?

En vue de répondre à ces questions, une recherche comportant un volet quantitatif ainsi qu’un volet qualitatif a été réalisée auprès des volontaires de la Croix-Rouge haïtienne. Il s’agit, plus précisément, d’analyser les connaissances auxquelles ont accès les bénévoles afin de mieux appréhender l’impact de ces connaissances et perceptions sur leur comportement en tant que volontaire en contexte de l’épidémie. Il s’agit également d’évaluer les risques auxquels ces acteurs peuvent être confrontés.

 

Alimenter les travaux sur la participation des bénévoles en réponse à une épidémie

 

Il existe peu de travaux scientifiques s’intéressant à la participation des bénévoles dans le cadre d’une réponse à une épidémie, contrairement à d’autres contextes d’urgence plus étudiés comme les conflits armés ou les catastrophes naturelles, et essentiellement construites à partir de méthodes quantitatives.

Face au scepticisme de la population haïtienne quant à la présence de l’épidémie sur le territoire national et à l’urgence de mobiliser les populations pour endiguer la propagation de l’épidémie la nécessité s’imposait de mener une recherche afin de mieux appréhender les connaissances auxquelles ont accès les bénévoles ainsi que leurs perceptions et comportements dans le contexte de l’épidémie.

La réalisation de cette recherche recourt à une méthodologie mixte. D’abord, six focus groups de huit participants chacun ont été constitués selon les objectifs de l’étude. Il s’agit, au travers de ce volet qualitatif, d’explorer les diverses représentations et points de vue relatifs à l’épidémie ainsi qu’aux interventions de la Croix-Rouge haïtienne.

Ensuite, sur la base d’un échantillonnage par choix raisonné, un questionnaire (comprenant une partie d’ordre sociodémographiques, socio-économiques et psychologiques, ainsi que des questions relatives aux connaissances, attitudes et pratiques des acteurs) a été remplit par 82 volontaires. Les deux volets de l’enquête se sont déroulés du 22 au 25 septembre puis du 1er au 2 octobre 2020.

 

Quelles recommandations pour la Croix-Rouge haïtienne

 

Les données mettent en évidence plusieurs facteurs à prendre en compte par les responsables de la Croix-Rouge haïtienne :

  • La nécessité de mieux informer les volontaires sur la réalité de l’épidémie, du virus et de ses modes de transmission afin de pouvoir conduire une action homogène et adéquate de la Croix-Rouge en réponse à l’épidémie.
  • Les inquiétudes des volontaires quant aux risques qu’ils encourent et à la meilleure façon de protéger leur santé physique et mentale, dans le contexte épidémique et en-dehors (risques d’agressions physiques, etc.), doivent être entendues pour qu’elles ne court-circuitent pas l’accompagnement et la communication de la Croix-Rouge à l’attention des volontaires.

 

Biographie

 

Lukinson Jean est sociologue, détenteur d’un doctorat en Sciences sociales de la santé. Après une licence de philosophie à l’ENS de Port-au-Prince, il a entamé des études de sociologie de la licence jusqu’au doctorat à l’Université de Limoges, en France. Sa thèse a porté sur les stratégies mobilisées par les soignants en vue d’inclure et gérer les personnes âgées dans un essai médical à caractère préventif sur la maladie d’Alzheimer intitulé Multidomain Alzheimer Preventive Trial (MAPT study). Ses recherches actuelles relèvent de la socio-économie et de la socio-anthropologie de la santé, de la sociologie de l’Etat et des problèmes sociaux, de l’analyse des politiques sociales et sanitaires.

 

 

Crédit Photo : AFP/Archives – Pierre Michel Jean