Le projet de recherche

Des professionnels entre sanitaire et social. Divisions du travail et dispositifs associatifs de l'accès aux soins en Île-de-France

L’objectif de cette recherche consiste à interroger la façon dont les questions sociales et de santé font l’objet d’un travail conjoint par les médecins, les personnels paramédicaux et les travailleurs sociaux

 

Gérer l’accès aux soins

La recherche veut questionner combien les ressources territoriales et institutionnelles permettent (ou pas) aux professionnels des associations de mener à bien leurs actions : rapports avec leur tutelle associative, liens avec la CPAM, l’ARS, les pouvoirs municipaux, voire départementaux, ainsi que leurs partenariats avec d’autres associations humanitaires sur le territoire, avec des traducteurs ou des interprètes, etc. Autrement-dit, jusqu’à quel point leurs conditions matérielles de travail, au sens large, donnent la possibilité à ces acteurs de venir en aide aux populations précaires comme elles le souhaiteraient ? Puis, en se focalisant sur ces professionnels intervenant dans différents dispositifs (d’une part, les équipes mobiles « allant vers » les personnes, d’autre part, les permanences médicales dans des lieux fixes), l’objectif de cette recherche consiste également à interroger la façon dont les questions sociales et de santé font l’objet d’un travail conjoint par les médecins, les personnels paramédicaux et les travailleurs sociaux. En d’autres termes, il s’agit de se demander: de quelle manière ces acteurs arrivent à concilier des cultures professionnelles différentes ? Aussi, comment la lutte contre l’exclusion redéfinie les contours de leurs propres groupes professionnels ?

 

Les acteurs de l’accès aux soins en Île-de-France

L’enquête porte sur deux acteurs associatifs intervenant auprès des populations « exclues » (sans-abri, toxicomanes, sans-papiers) en Île-de-France. Il s’agit d’associations fondées dans les années 1990 dans un contexte de montée de la thématique de l’exclusion mais aussi de l’épidémie du VIH – phénomène auquel celles-ci vont se consacrer à leurs débuts avant de se diversifier (réduction des risques, accompagnement à l’ouverture des droits sociaux, consultations médicales, dépistages, etc.). Agissant au niveau des villes de départements franciliens (en l’occurrence, le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne), ces acteurs associatifs font partie d’une configuration locale d’intervention médico-sociale. Leur action auprès des publics cibles se traduit aussi bien par un fonctionnement de type fixe (permanences) que par une activité mobile (maraudes). En vue d’interroger ces dispositifs humanitaires d’accès aux soins, cette recherche s’appuie essentiellement sur des méthodes qualitatives : des entretiens semi-directifs avec leurs professionnels (infirmières, éducatrices/éducateurs, assistant-e-s de service social, médecins), des observations de leur activité auprès de leurs « usagers » ou « patients », des consultations de la littérature grise produite par ces associations.

 

 

Une analyse transversale de la politique d’accès aux soins

Depuis les décennies 1980 et 1990, les politiques d’accès aux soins à l’égard des populations « exclues » se développent en France. Ces mesures, en partie déléguées aux associations caritatives ou humanitaires, ont fait l’objet de nombreuses contributions scientifiques qui se concentrent sur la prise en charge sanitaire des populations précaires, mettant ainsi la focale sur des publics cibles ou sur des dispositifs spécifiques. En complément de ces travaux, cette recherche propose une analyse transversale de la politique d’accès aux soins, en s’intéressant principalement aux professionnels chargés de la mettre en œuvre en Île-de-France. Elle veut contribuer par ce travail à la réflexion académique dans les champs sociologiques des groupes professionnels, de l’action publique (ici l’action déléguée aux associations par les pouvoirs publics) et de la pauvreté.

Explicitant les savoir-faire partagés par les professionnels des associations promouvant l’accès aux soins des « exclus », cette recherche peut aider ces acteurs, notamment ceux de la première ligne, à saisir les atouts et les écueils de leurs pratiques. Ce travail peut leur être utile pour réfléchir à leurs façons de coopérer en équipe, ainsi qu’à leurs rapports aux publics touchés par leur action.

 

Biographie

À la suite d’une thèse en science politique sur l’hébergement des sans-abri (Université Paris Nanterre, 2019), les recherches postdoctorales en sociologie de M. Aranda se consacrent à l’étude des dynamiques institutionnelles et professionnelles de l’accès aux soins des personnes en situation de grande précarité. Ces recherches, menées dans des dispositifs hospitaliers et de soins primaires de ville, ont pu être effectuées notamment dans le cadre d’un post-doctorat à la Chaire Santé de Sciences Po au cours de l’année universitaire 2020/2021. Elles se poursuivent aujourd’hui au CRESPPA-LabTop, grâce à la bourse de la Fondation Croix Rouge, et portent sur l’action associative dans ce domaine.