Des réfugies pairs aidants : le bénévolat par et pour les régugiés, un modèle alternatif d'insertion ?
Le projet de recherche REPAIRS vise à étudier les spécificités du bénévolat des personnes migrantes, dans le contexte du dispositif d’accueil en France, à la lumière de leur parcours migratoire.
Les enjeux du bénévolat des personnes migrantes
Au Liban, pays de premier accueil des réfugiés syriens, les programmes de bénévolat par et pour les réfugiés s’observent à tous les niveaux de la chaîne d’assistance : du HCR aux ONG en passant par les centres sociaux de développement de l’État. Ces programmes partagent un point commun, – l’insertion des réfugiés –, mais des vues différentes. Pour les organisations humanitaires, il s’agit de développer le pouvoir d’agir des réfugiés dans une logique auto-entrepreneuriale. Pour les institutions libanaises d’aide sociale, l’enjeu est de préserver la paix sociale avec les communautés hôtes, en faisant participer les réfugiés à des projets d’intérêt commun. Pour les réfugiés-bénévoles, c’est un moyen de contourner l’interdiction du droit du travail et d’acquérir une formation professionnelle, dans le cadre de stratégies d’accès aux ressources de l’aide humanitaire et aux procédures de réinstallation du HCR. Mais qu’en est-il après obtention de cette réinstallation en France ? Le bénévolat des personnes demandeuses d’asile, en direction d’autres migrant.e.s, suit-il les mêmes logiques ? Si ces programmes sont, eux aussi, présentés sous la bannière de l’insertion à la société d’accueil, portent-ils les mêmes significations que dans le cas libanais, pour les personnes migrantes qui l’exercent, et les institutions qui les encadrent ?
Mêler quantitatif et qualitatif pour créer un panorama complet
Le projet de recherche REPAIRS vise à saisir la spécificité du bénévolat lorsqu’il est exercé par des personnes migrantes, en direction d’autres migrants. Il s’agit de répertorier ses caractéristiques, dans le contexte du dispositif d’accueil en France, et ses configurations relationnelles au sein de la Croix-Rouge française. L’objectif sera également de comprendre quelle place occupe réellement cette pratique dans le parcours d’insertion sociale et professionnelle des personnes qui l’exercent. Et comment la logique de pair-aidance sur laquelle il repose vient imprimer sur ces engagements bénévoles, une certaine forme d’intervention sociale. La méthodologie mobilisée pour cette étude est essentiellement qualitative, et de nature socioanthropologique. Elle repose sur une double ethnographie immersive auprès des bénévoles migrant.e.s et non migrant.e.s, et du personnel de la Croix-Rouge française. Paris et Marseille sont les lieux choisis, en priorité, pour cette étude, en raison de la centralité que représentent les dispositifs de ces délégations territoriales à l’échelle nationale de la CRf. Mais des mini-enquêtes plus ponctuelles sont réalisées dans d’autres délégations territoriales de la Croix-Rouge française, telles que Nantes, Strasbourg, Toulouse, Orléans ou La Rochelle. Cette approche qualitative se verra complétée par une étude statistique à partir de questionnaires diffusés à l’échelle nationale, qui permettra de dresser un aperçu comptable du nombre de personnes concernées par ce type de bénévolat au sein de l’association La Croix-Rouge française.
Biographie
Leila Drif est doctorante en anthropologie à l’EHESS, associée à l’Ifpo Beyrouth et fellow de l’Institut Convergence Migration. Sa thèse, préparée sous la codirection de Blandine Destremau et de Michel Agier, porte sur l’expérience d’hospitalité autour de l’accueil des réfugiés syriens dans les marges de Beyrouth. Elle propose une anthropologie critique du système de protection internationale des réfugiés à partir d’une ethnographie urbaine d’un quartier irrégulier de Beyrouth constitué en espace refuge pour les Syriens en exil. Elle est l’auteure de « Être réfugié et « volontaire » : les travailleurs invisibles des dispositifs d’aide internationale », Critique internationale, vol. 81, no. 4, 2018, pp. 21-42.