Le projet de recherche

Réseaux des ONG nationales et locales au Cameroun et dans le Bassin du Lac-Tchad : entre obstructions étatiques et dissensions internes

Comprendre la construction du lien au sein des réseaux humanitaires locaux au Cameroun et dans bassin du Lac-Tchad en réponse à l’inertie des résolutions du Grand-Bargain, ainsi que les dynamiques de pouvoirs et obstructions auxquelles ils sont confrontés.

Les notions de « relations » ou de « réseaux » ne sont pas nouvelles dans le champ humanitaire. Elles ont toujours structuré les interrelations qui régissent les acteurs de l’aide. Or, ces relations se sont toujours construites à partir de logiques asymétriques et déséquilibrées, voire inégalitaires, car adossées sur les tendances et des partenariats « ethnocentriques ». Ces asymétries ne se sont pas limitées aux relations bénéficiaires-humanitaires, mais trouvent également une extension entre les acteurs humanitaires eux-mêmes, et autour des partenariats déséquilibrés Nords-Suds.

Cette recherche vise à étudier les réseaux humanitaires locaux au Cameroun et dans bassin du Lac-Tchad. Il a d’abord pour objectif de questionner le rôle des acteurs publics dans l’affaiblissement des liens noués entre les ONG locales, nationales et sous-régionales autour des différentes plateformes. Il vise également à rendre compte de la perception que ces acteurs publics ont de ces réseaux, qu’ils considèrent comme des relais des ONG internationales. Cette recherche vise enfin à montrer que la démobilisation des acteurs au sein de ces mécanismes innovants est la résultante des luttes et des dynamiques de pouvoir interne, provoquées par la montée en puissance des conflits de leadership au sein de ces nouvelles plateformes.

La dynamique de mise en réseau des OSC à vocation humanitaire est-elle aujourd’hui fragilisée autant par l’acteur étatique qui perçoit en ces OSC un continuum des acteurs de solidarité internationale que par les OSC elles-mêmes du fait des tensions, querelles et rapports de force internes ?

La recherche se déroule au Cameroun et au sein des autres pays du bassin du Lac-Tchad (Nigeria, Tchad et Niger), auprès des acteurs transnationaux qui y travaillent en réseaux avec les acteurs associatifs camerounais.

Cette étude cherche à explorer des pistes de réformes pour consolider le processus de mise en réseau des ONG nationales et locales. Elle utilise ainsi ces recommandations pour susciter une transformation sociale au sein du système humanitaire de manière à renforcer leur autonomie. L’intérêt social de cette recherche apparait donc comme un instrument de plaidoyer pour influencer sur les décisions publiques et humanitaires.

Cette recherche trouve sa pertinence dans un contexte où les acteurs du Sud entre eux expriment une volonté d’autonomie pour avoir un minimum de contrôle sur les actions humanitaires qui concernent leurs populations, d’où l’investissement dans des réseaux nationaux et sous régionaux.

La valeur ajoutée de ce travail est qu’il permet de comprendre que les alliances et réseaux d’acteurs peuvent également se construire entre les acteurs nationaux, rompant ainsi avec des approches classiques qui privilégiaient la logique partenariale Nord-Sud. Cette recherche a donc une plus-value scientifique qui met au-devant de la scène une nouvelle pratique de transition humanitaire à partir des réseaux Sud-Sud. Déconstruire cette image victimaire attribuée aux acteurs locaux, en montrant comment leurs voix peuvent être amplifiées, via des cadres de concertation, constitue une approche innovante, qui rompt avec des logiques infantiles des acteurs de solidarité internationale. Il s’agit ainsi de repenser les pratiques de la solidarité internationale pour plus de coopération respectueuse, en mettant en lumière les capacités des organismes locaux, qui agissent autrement et par eux-mêmes. Ces pratiques issues des pays bénéficiaires questionnent la place et le rôle des acteurs internationaux, en ouvrant de nouvelles voies d’actions possibles en dehors du système traditionnel, même si en même temps, de telles nouvelles pratiques restent également confrontées à d’autres types de défis, eux aussi Sud-Sud notamment les obstacles étatiques et les querelles internes qui émergent au milieu de ces réseaux, fragilisant la dynamique en cours.

 

Biographie

 

Docteur Ngueuta Nouffeussie Léopold est de nationalité camerounaise, enseignant au Département de Science Politique de l’Université de Maroua et Maître-Assistant CAMES. Il a été Lauréat 2015 des Bourses du Gouvernement Français pour des séjours de recherche au laboratoire Les Afriques dans le Monde (LAM)/Science Po. Bordeaux dans le cadre de la finalisation de sa Thèse de Doctorat intitulée « La politique de libre circulation des biens et des personnes dans le processus de construction de l’espace sous-régional CEMAC ». Il a également été lauréat 2021 du Programme d’Appui à la Mobilité Académique du Ministère de l’Enseignement Supérieur du Cameroun. Il est chercheur au Centre d’Études et de Recherche en Paix, Sécurité et Intégration (CERPSI), Vice-directeur du Centre de Recherche sur l’Afrique et les Enjeux Contemporains (CRAEC) et Membre de France Alumni Cameroun (Réseau des Camerounais Diplômés de France). Il s’intéresse aux questions de politiques publiques sous-régionales/internationales, crises sécuritaires et humanitaires.