Le projet de recherche

Repenser la réduction des désastres au travers des stratégies quotidiennes de survie, de soin et de résilience

Repenser la RRC dans sa dimension quotidienne et sociale à travers les concepts de genre et de résilience.

Contexte et enjeux humanitaires ou sociaux et problématique

La réduction des risques de Catastrophe (RRC) se heurte encore à des interprétations distinctes : l’une dite « conventionnelle » est centrée sur l’anticipation des aléas et les perceptions des populations qui y sont exposées ; l’autre, plus marginale, se concentre sur la réduction de la vulnérabilité et le soutien aux capacités de résilience des sociétés pour empêcher qu’un phénomène naturel ne se transforme en catastrophe. Le projet vise à appliquer la seconde interprétation dans le contexte du Tchad en proie à des crises récurrentes malgré la présence d’acteurs humanitaires et de développement depuis des décennies. Il s’agit ainsi de mettre en lumière les stratégies de survie et d’adaptation des populations affectées, notamment au travers du travail reproductif. En effet, le travail domestique et de soins est effectué sans rémunération, souvent par les femmes, et qui permet le maintien des structures familiales dont dépend le travail productif. Ces stratégies quotidiennes constituent les fondements, souvent invisibles, d’initiatives de résilience diverses, accessibles et significatives.

  L’étude vise trois objectifs de recherche :

  • Conceptualiser l’articulation entre la résilience quotidienne des populations exposées à des aléas, à des crises multiples et à la Réduction des Risques de Catastrophe (RRC) ;
  • Comparer les interventions humanitaires et de développement dans leur manière de prendre en compte les facteurs sociaux de vulnérabilité, y compris les inégalités de genre ;
  • Articuler des pistes de réforme de la RRC plus ancrées dans les expériences quotidiennes et qui tiennent compte de l’intersectionnalité des facteurs de vulnérabilité et du travail reproductif.

Que nous révèlent l’intégration des notions de reproduction, du care et de l’égalité de genre dans l’examen de la résilience face aux risques ?

Terrain de recherche et de la méthode d’investigation

La RRC est un secteur bien distinct au Tchad, peu intégré aux autres domaines d’intervention, tels que la réponse humanitaire, l’adaptation au changement climatique et l’action sociale. Les initiatives labellisées RRC ne reposent pas souvent sur des stratégies communautaires de résilience, et sont plutôt associées aux interventions de réponse aux événements soudains et extrêmes (crues éclaires, inondations) qui ne bénéficient que de très peu de soutien institutionnel. Pour explorer ce contexte, le projet se base sur une approche de recherche empirique et une méthodologie principalement qualitative. Des entretiens semi-structurés avec les représentants des institutions étatiques, non-gouvernementales et la société civile sont conduits à N’Djamena. Des visites de terrain sont menées au sud de la capitale, pour effectuer des observations et entretiens auprès des représentants des autorités locales, notamment les délégations sanitaires et sociales.

 

Les intérêts scientifiques de la recherche et pour les acteurs humanitaires et sociaux

La réduction des risques liés aux événements hydrométéorologiques extrêmes devient une priorité grandissante pour les acteurs humanitaires et de développement au Tchad compte tenu des projections climatiques du dernier rapport du GIEC. Cette étude permet d’offrir des pistes de réflexion et de réforme des politiques publiques des institutions étatiques chargées des questions de protection civile, et de gestion des ressources naturelles. En raison du manque d’études et de clarté du rôle des institutions gouvernementales en matière de réduction des risques d’inondation, les résultats de recherche permettent de mieux comprendre ce qui est mis en place depuis que le Plan national de Gestion des Risques est arrivé à son terme en 2020, ce que le Plan de contingence multirisques préconise et comprendre les besoins des différents acteurs institutionnels.

Les recherches ont mis en évidence le rôle des populations marginalisées et vulnérables face aux risques naturels, qui agissent comme premiers intervenants en cas de catastrophe. En outre, ces populations s’adaptent continuellement aux « risques du quotidien », tels que les pressions économiques et l’exclusion sociale. Leurs stratégies de survie et d’adaptation, ainsi que le travail reproductif (ou « care » en anglais), constituent des bases souvent invisibles de nombreuses initiatives de résilience, accessibles et significatives. Néanmoins, les liens entre le travail reproductif et la résilience, avant, pendant et après les crises, restent insuffisamment reconnus, peu théorisés, notamment dans la littérature francophone, et rarement intégrés de manière systématique dans les programmes de réduction des risques de catastrophe (RRC).

Biographie

Virginie Le Masson est chercheuse associée au think tank ODI et exerce en tant que chercheuse indépendante. Ses travaux se concentrent sur les aspects sociaux du développement durable, avec un accent particulier sur les inégalités de genre et les risques de violence dans les régions affectées par les changements environnementaux et les catastrophes. Titulaire d’un doctorat en géographie de Brunel University of London obtenu en 2013, elle a également co-édité un ouvrage sur le changement climatique et les dynamiques de genre et de pouvoir, publié chez Routledge.