Le projet de recherche

Perception du risque sanitaire et adaptation au changement climatique des populations de la Langue de Barbarie (Saint-Louis du Sénégal)

Il est urgent de mettre en œuvre des accompagnements forts pour travailler à une cogestion citoyenne des conséquences des changements climatiques

 

Un milieu fragile soumis aux changements climatique et aux risques sanitaires

La Langue de Barbarie est une flèche littorale sableuse située dans la région de Saint-Louis. Elle s’étire sur une trentaine de kilomètre, prise en étau par l’océan Atlantique et le fleuve Sénégal. Son étroitesse combinée à la dynamique marine et fluviale lui vaut de fréquentes ruptures. La zone d’étude connaît une forte urbanisation. Plusieurs activités et usages s’y développent (la pêche, le tourisme, le maraichage, etc.). La population locale doit cohabiter dans un milieu complexe et fragile soumis aux changements climatiques et aux risques sanitaires, où les possibilités d’extension sont limitées. De nos jours, l’homme intervient dans ces processus naturels. Un canal de délestage fut créé à travers la bande sableuse afin de lutter contre les inondations en 2003. Les incidences de cette brèche sur l’évolution de la Langue de Barbarie et la santé des communautés locales sont nombreuses : chavirement de pirogues, salinisation des puits et détérioration de la qualité des eaux, déplacement de banc de sable et recul du trait de côte, rareté du poisson, déplacements de population, etc. L’artificialisation du milieu combinée à la péjoration climatique ont renforcé les risques sanitaires, mais ont aussi fortement impacté les communautés vivant dans ce milieu. Cette étude s’inscrit dans une démarche de recherche-action qui permettra d’identifier les liens existant entre les changements climatiques et les risques sanitaires adjacents. Elle vise aussi à expliciter les enjeux complexes que représente la gestion des risques et catastrophes naturelles en lien avec la santé des populations, et s’interroger sur l’efficacité des connaissances locales et scientifiques déployées dans la zone d’étude.

 

Perception des acteurs sur le terrain et stratégies d’adaptations mises en œuvre

Cette étude prétend démontrer sur le terrain les liens  existant entre les changements climatiques et les risques sanitaires adjacents. Il s’agit d’intervenir au niveau des milieux exposés et de suivre les indicateurs de santé.  Les zones enquêtées sont : Santiaba, Goxu Mbax, Guet ndar, hydrobase, Ndiében Gandiol. Ces localités sont  marquées par une relative pauvreté, une forte densité, une pression accrue sur les ressources naturelles, un déversement des ordures ménagères sur la plage, une occupation des zones inondables, un manque de réseau d’assainissement et une insuffisance des infrastructures sanitaires. Le travail de terrain consiste à rencontrer les parties prenantes, notamment les acteurs ou collectifs socioculturels : leaders des communautés (Chefs de quartiers, imans, prêtres, etc.), services de santé (médecin-chef, Infirmiers, sages-femmes, etc.), les personnes communautaires (Badien Gokh) et collectivités territoriales (Chefs de Villages). Les paramètres suivis sont : les risques sanitaires relatifs aux vulnérabilités climatiques, les interactions entre climat et santé, les connaissances des professionnels de la santé sur les changements climatiques, l’impact du climat sur les maladies humaines, la planification territoriale, le climat et la santé, les stratégies d’adaptation climatique et sanitaire.

La démarche consiste à analyser les stratégies  d’adaptation à travers une  approche holistique afin d’éviter certaines difficultés et/ou incertitudes issues des cloisonnements institutionnels, administratifs et souvent communautaires. Les méthodes actives de recherche participative (MARP) permet d’impliquer les populations dans la production des connaissances relatives aux risques sanitaires et changement climatique. Les relations entre la perception du risque sanitaire et le changement climatique sont établies à partir du modèle DPSIR (Forces, pressions, état, impacts, réponses). Ce modèle permet d’analyser les relations entre les facteurs climatiques qui ont une incidence sur la santé  selon une logique de causalité.

 

Renforcer l’état des connaissances sur le littoral dans l’optique d’une gestion durable de l’environnement marin et côtier, des catastrophes naturelles et risques sanitaires

Parmi les résultats de la recherche figure l’idée de proposer un plan d’adaptation destiné à renforcer les acquis des expériences antérieures, et d’approfondir la connaissance des liens entre le changement climatique et la santé, via une cartographie des risques climatiques qui impactent la santé des hommes dans le contexte marqué par l’érosion côtière et le déplacement de population. Les travaux effectués  jusqu’à présent dans la Langue de Barbarie, montrent comment les populations ont une connaissance élevée sur la dynamique du fleuve et le rôle des zones humides, lacs et lagunes dans le maintien de la faune et un élément d’attraction touristique. Cependant, la Langue de Barbarie, en tant qu’unité fonctionnelle, n’est guère visible pour les populations en général qui ont un grand intérêt sur les plages de loisirs, mais ne sont pas intéressées et/ou ont peu de connaissances sur les processus naturels et anthropiques qui participent à leur formation. Aussi, il y a un manque de connaissance sur les risques sanitaires qui sont liés aux conséquences du changement climatiques. Cette vision fragmentée sur le littoral de la Langue de Barbarie a également engendré un manque crucial de connaissances scientifiques et de bases de données sur l’interface terre-mer. Il s’agit donc aussi de créer de nouvelles connaissances basées sur les conditions préalables de prévention et d’adaptation pour un changement de paradigme. L’adaptation implique un changement profond qui oblige à repenser le mode de vie actuel pour inverser les tendances adverses.

Biographie

Géographe de formation, Modou Ndiaye a obtenu en 2015, un Master 2 recherche à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar sur le thème « Aménagement et Gestion urbaine en Afrique ». En décembre 2019, il a soutenu une thèse de doctorat de géographie, aménagement du territoire et Développement durable intitulée « La planification urbaine à l’épreuve du développement durable au Sénégal : acteurs, enjeux et stratégies dans le projet de ville nouvelle de Diamniadio ». Il a ainsi pu participer à plusieurs projets notamment un projet de recherche portant sur l’aménagement du réseau urbain au Sénégal financé par l’Université Al Akhawayn University du Maroc en 2018, un autre projet d’analyse des dynamiques socio-spatiales de la transmission de la Covid19 au Sénégal financé par le National research Fund (NRF) en 2020, ou encore le projet « Femme et migration en Afrique de l’Ouest » financé par l’Agence Française de Développement (AFD).