Renforcer les micro-réformes endogènes pour améliorer les services de santé sexuelle et reproductive dans trois pays du Sahel (Mali, Mauritanie, Niger)
L’objectif principal est d’examiner les stratégies endogènes qui pourraient constituer des leviers pertinents permettant d’améliorer l’accès et l’utilisation des services de santé sexuelle et reproductive au Mali, en Mauritanie et au Niger, notamment en termes de qualité des soins et de réduction des inégalités liées au genre.
Etudier les micro-réformes et innovations locales dans les services de santé sexuelle au sahel
Au Sahel, l’accès et l’utilisation des services de santé sexuelle et reproductive pour les femmes, les mères et les adolescentes sont soumis à trois freins structurels : les écarts dans la mise en œuvre des programmes de santé, les idéologies de référence des acteurs, et enfin les crises sanitaires, migratoires, sécuritaires et économiques. La prévalence des mariages précoces et des avortements provoqués clandestins témoigne de l’imbrication de ces facteurs, et de formes particulières de violences faites aux femmes. Toutefois, en dépit de ces trois freins et des problèmes qu’ils engendrent, on note l’existence de micro-réformes et innovations endogènes positifs produits par des acteurs de terrain aux profils divers (du côté des soignants ou du côté des populations).
L’objectif général de la recherche est d’examiner les micro-réformes et les innovations locales qui pourraient améliorer l’accès et l’utilisation des services liés à la santé sexuelle et reproductive et à la planification familiale au Mali, au Niger et en Mauritanie, en particulier en termes de qualité des soins et de réduction des inégalités liées au genre.
Identifier les freins d’accès aux soins au Sahel
Au Sahel, des progrès sensibles ont été accomplis ces dernières années pour la santé des femmes, des mères et des enfants. L’espérance de vie s’est allongée et certaines causes majeures de la mortalité maternelle et infantile ont diminué. Néanmoins, l’offre actuelle des systèmes de santé reste insuffisante et n’est pas en adéquation avec les besoins des femmes, particulièrement au Mali, en Mauritanie et au Niger. Au cœur des multiples inégalités rendant l’accès à des soins de qualité pour tous particulièrement difficile se trouvent des normes sociales discriminatoires qui se traduisent par des attitudes, des comportements, des politiques et des lois qui freinent notamment les femmes et les filles.
La Croix-Rouge française a mis en œuvre à partir de 2020 un projet sur 4 ans visant à améliorer la santé des femmes, des mères et de leurs nouveau-nés au Sahel en promouvant l’autonomisation des femmes, la conscientisation des adolescents et l’accès à un soin de meilleure qualité par la transformation des comportements des professionnels de santé et des relations entre les femmes et les hommes.
Précisément, le « Programme Régional Genre Santé Sahel (PROGRESS) » a pour objectif de contribuer à l’amélioration de la Santé Maternelle et Infantile (SMI), de la Santé Sexuelle et Reproductive (SSR) et de la Planification Familiale (PF) des populations de 3 zones de 3 pays différents : une zone urbaine (le district de Bamako, au Mali) et deux zones rurales (les régions du Gorgol, en Mauritanie, et de Zinder, au Niger).
Une étude est nécessaire pour comprendre les mécanismes relatifs aux relations de genre et aux systèmes de santé propres à chaque contexte, et identifier les enjeux et résultats possibles spécifiques à chaque zone d’intervention. Son objectif général est d’identifier les freins à l’accès aux soins, et plus particulièrement en termes de SMI-SSR-PF, liés au genre, ainsi que les leviers par lesquels ces freins pourraient être surmontés dans les trois zones. Mise en œuvre au cours de la première année du programme, la recherche permet d’identifier les déterminants des inégalités de genre face aux services de santé, ainsi que les modalités de réponses les plus adaptées pour développer une approche transformative.
Cette étude a été réalisée au Mali, en Mauritanie et au Niger en 2020 et 2021. Elle a été menée selon une méthodologie qualitative utilisant les techniques de triangulation, d’insertion prolongée, d’entretiens individuels semi-directifs, de focus group, d’études de cas et d’observations ciblées dans les formations sanitaires et en communauté.
Plus concrètement, l’équipe a procédé à une revue de la littérature en sciences médicales et en sciences sociales permettant l’analyse comparative entre les pays ; une enquête collective à visée exploratoire réalisée en Mauritanie et des enquêtes approfondies menées dans chaque pays.
Quelles propositions pour l’action humanitaire et sociale
De cette recherchent découlent deux implications majeures pour l’action humanitaire et sociale. La première étant une invitation au renouvellement des logiques d’intervention par une compréhension plus fine de ce qui se joue dans la mise en oeuvre des programmes « dans la vraie vie » (les contextes locaux) et par la prise en compte des perceptions des acteurs locaux, de leurs appropriations sélectives des propositions extérieures, et surtout de leurs propres initiatives. La seconde est un module de formation à destination des agents de terrain, élaboré à partir des résultats de la recherche avec pour objectif d’amener les participants à la formulation de « bonnes pratiques endogènes » et à une réflexion sur leurs modalités concrètes d’application afin de renforcer la performance du système de santé en matière de santé sexuelle et reproductive.
Biographie
Aïssa DIARRA est médecin et socio-anthropologue. Elle est chercheure au Laboratoire d’études et recherches sur les dynamiques sociales et le développement local (LASDEL), où elle est responsable du pôle « santé ». Elle est spécialiste des questions relatives à la santé maternelle en Afrique et travaille plus largement sur les politiques et systèmes de santé d’une part, sur les relations de pouvoir et de genre d’autre part. Elle enseigne l’anthropologie de la santé en e.formation et au MASTER Anthropologie de la santé de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger). Elle est titulaire d’un Doctorat en anthropologie sociale et ethnologie (2010) de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS Marseille), un diplôme universitaire en Santé et Développement (1999) de la faculté de médecine Nancy-1 (France), un certificat post-universitaire (1998) en santé maternelle et infantile du Centre International de l’Enfance et de la Famille (CIDEF, Paris), un Doctorat en médecine (1998) à l’École Nationale de Médecine et de Pharmacie de Bamako (Mali)