Le contexte

La dépendance, qui se traduit par l’incapacité partielle ou totale à accomplir les actes du quotidien, concerne aujourd’hui plus de 1,5 million de personnes en France, un chiffre en constante augmentation avec le vieillissement de la population. Cette situation entraîne un besoin croissant d’accompagnement, exerçant une forte pression sur les familles, les aidants et les structures d’accueil. Face à ces défis, les pouvoirs publics et le secteur associatif jouent un rôle essentiel. Des initiatives comme Monalisa ou l’engagement de la Croix-Rouge française favorisent la solidarité intergénérationnelle et luttent contre l’isolement social. En complément des dispositifs publics, ces actions de proximité visent à offrir un accompagnement plus adapté aux personnes dépendantes et un soutien indispensable à leurs aidants, dans un contexte où la prise en charge de la dépendance constitue un défi majeur pour notre société.

Les intervenants

Louis Braverman – sociologue, maître de conférences à la Faculté de Médecine et sciences de la santé de Brest. En 2021, avec le soutien de la Fondation Croix-Rouge française, de l’AGIRC-ARRCO et du Groupe VYV, il étudie le dispositif Vivre@lamaison de la Croix-Rouge française. Sa recherche, intitulée « L’EHPAD « hors les murs » : un modèle innovant d’accompagnement à domicile face aux défis de la lutte contre l’isolement », a pour objectif d’interroger la façon dont les dispositifs de type EHPAD « hors les murs » répondent aux défis de la lutte contre l’isolement social des séniors.

Laurianne Dos Santos – sociologue, post-doctorante puis chercheuse à la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique (CNRS, Université de la Polynésie française). En 2022, avec le soutien de la Fondation Croix-Rouge française et de l’AGIRC-ARRCO elle étudie l’expérience sociale de l’isolement des personnes âgées en Polynésie française et ses déterminants. Sa recherche « Isolement social et précarité des personnes âgées : une ethnographie de la vieillesse en Polynésie française », vise à combler un manque de données sur les conditions de vie dans la vieillesse dans le contexte familialiste polynésien.

Françoise Fromageau -médecin gériatre et vice-présidente de la Fondation Croix-Rouge française, est engagée de longue date dans la lutte contre l’isolement des personnes âgées. Elle a occupé plusieurs responsabilités au sein de la Croix-Rouge française, de l’échelle locale à la présidence de la région Bretagne, et a été administratrice nationale dès 2004. Membre du Haut conseil de la vie associative, elle est également présidente de MONALISA et impliquée dans diverses instances dédiées à la solidarité et à l’inclusion sociale. Elle contribue activement aux réflexions sur la politique du grand âge et le rôle des associations face aux défis de la dépendance et de l’isolement social des seniors.

Au cours de la discussion, nous avons d’abord abordé les dispositifs dits « Ehpad hors les murs » ou « Ehpad à domicile » avec Louis Braverman, qui nous a expliqué leur fonctionnement. Face à la crise des Ehpad et aux limites bien connues de ces établissements, il devient essentiel de repenser les modèles existants et de privilégier le maintien à domicile dans de bonnes conditions. Ces dispositifs proposent un accompagnement renforcé, incluant une aide à domicile, une astreinte infirmière de nuit, des transports et une coordination des soins. Ils permettent d’établir également un lien avec les Ehpad, permettant aux bénéficiaires d’accéder à certains services comme la restauration ou des activités. L’objectif est non seulement d’assurer une prise en charge adaptée, mais aussi de renforcer l’inclusion des personnes âgées en ouvrant les Ehpad sur l’extérieur et en favorisant une approche intergénérationnelle. Cependant ces dispositifs ont certaines limites comme la nécessaire implication des personnes aidantes et proches aidants qui prennent en charge les coordinations entre les soignants, les trajets…

Sur la continuité du lien entre les personnes âgées dépendantes et leurs familles, Lauriane Dos Santos a exploré la question de la vieillesse à domicile en Polynésie française, où la prise en charge des personnes âgées repose largement sur les solidarités familiales, faute de structures adaptées et d’accompagnement professionnel suffisant. Depuis les années 1980, la Polynésie fait face à un vieillissement continu de sa population, orientant sa politique vers le maintien à domicile et le « Care familial » comme modèle privilégié d’accompagnement. En Polynésie française vieillir est une expérience collective, et les figures de la vieillesse y sont multiples : les aînés ont une place symbolique et politique forte, cependant elle s’entrechoque avec la vision de la personne âgée en perte d’autonomie, nécessitant une prise en charge plus soutenue. La cellule familiale, traditionnellement s’élargie et tend à évoluer vers un modèle nucléaire, impactant les dynamiques de soutien. Si certaines familles assument cette charge de manière collective, d’autres voient un aidant unique supporter seul le poids du Care, parfois au détriment de son emploi.

Enfin Françoise Fromageau  a illustré le sujet par la présentation de MONALISA une association qui depuis 2014, mobilise citoyens, associations et institutions pour lutter contre l’isolement des personnes âgées. Grâce à un partenariat inédit entre société civile et pouvoirs publics (collectivités, caisses de retraite, entreprises solidaires, etc.), elle favorise l’engagement citoyen en équipes de proximité et la coopération des acteurs locaux. Créée suite à une réflexion initiée en 2012 par Michèle Delaunay, alors ministre déléguée aux Personnes âgées, MONALISA a officialisé sa mobilisation en 2014, soutenue par 40 organisations. Son action est inscrite dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement (2015), soulignant l’importance de la prévention de l’isolement social.

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Crédit photo : Christophe Hargoues