DES LIEUX DE VIE INFORMELS AU LOGEMENT AUTONOME. DIFFICULTÉ DES PERSONNES ET DES FAMILLES MIGRANTES DANS LE PARCOURS DE L’ACCUEIL : ANALYSES ET PROPOSITIONS DE SOLUTIONS
Au croisement des sciences sociales et de l’action humanitaire, cette recherche vise d’une part à offrir des pistes de réflexion et d’autre part à élaborer des modes d’action concrets pour améliorer les pratiques de l’accueil des migrants, en favoriser leur acceptation active, rendre moins problématique leur accompagnement
Penser l’organisation du système d’accueil des migrants
L’objectif de cette recherche est de découvrir les raisons profondes qui amènent nombre de migrants à sortir de la filière de l’accueil institutionnel pour emprunter des parcours autonomes mais plus risqués. Dans sa conception, l’organisation formelle du système de l’accueil répond à des critères de rationalisation et d’optimisation du nombre des places disponibles et vise la finalité ultime de l’intégration territoriale et sociale des migrants pris en charge et leur autonomisation. L’observation des réalités dans lesquelles ce dispositif opère nous révèle des problèmes plutôt complexes que la recherche sociale peut aider à élucider et analyser pour ensuite envisager des améliorations.
Gagner la confiance des interlocuteurs
Les enquêtes de terrain, observations participantes et entretiens se déroulent principalement en région parisienne dans certains habitats informels comme des campements, où les migrants s’installent, ainsi que dans différents types d’hébergements où ces personnes sont transférées dans le cadre du déclenchement du dispositif d’accueil, notamment de centres d’hébergements d’urgence, de centres d’accueil pour demandeurs d’asile jusqu’à des types d’hébergement/logement plus durables. Les difficultés majeures de ce terrain tiennent aux conditions de précarité et d’incertitude vécues par les personnes concernées et demandent au chercheur de réajuster en permanence sa posture afin de gagner la confiance de ses interlocuteurs.
L’opérativité de l’accompagnement social et l’autonomisation des migrants
La procédure pour accéder au statut de réfugié ou à d’autres types de protection est longue et incertaine. Ainsi, nombre d’entre eux préfèrent sortir du système d’accueil, ce qui engendre des sentiments d’impuissance et de frustration, non seulement chez les migrants, mais également parmi les travailleurs sociaux. Une prise en charge de chaque personne plus attentive, grâce à un procédé dialogique et participatif prévoyant l’organisation périodique d’ateliers, de rencontres, de focus group animés par les travailleurs sociaux, les bénévoles, les migrants et les chercheurs, et où chacun livrerait son retour d’expérience et de parcours pourrait être un moyen efficace pour améliorer l’opérativité de l’accompagnement social en le rendant moins vertical. Cette dynamique pourrait également adoucir les ressentis des acteurs concernés, en prônant l’épanouissement par la parole des uns et des autres, et en contribuant à ce que le migrant trouve dans ces réunions régulières des éléments pour prendre plus conscience en soi, de sa condition en constante évolution, vers l’horizon de son autonomisation.
L’expérimentation de l’enquête collab: comprendre les facteurs d’acceptation de solutions de mise à l’abri pour mieux accompagner vers le logement autonome orative
L’étude menée, en s’appuyant sur une méthodologie ethnographique impliquant les différents acteurs en jeu permet d’une part d’enrichir la littérature déjà existante en ce domaine ; d’autre part, l’expérimentation de l’enquête collaborative permet d’éclairer les modes opératoires de l’intervention sociale afin que les travailleurs sociaux puissent les réajuster, les remodeler et que leur acceptation et leur efficacité chez les migrants en ressortent améliorées. Des modes d’action sociale participative pour faciliter l’acceptation de la prise en charge des migrants sont élaborés au cours de l’étude. L’avancement des connaissances scientifiques souhaité se fonde ainsi sur l’articulation de la recherche autour des trois dimensions : l’une qui concerne les aspects politico-institutionnels qui norment et régissent l’accueil des migrants ; l’autre humanitaire qui a affaire aux modalités dont les relations entre travailleurs sociaux et migrants s’établissent et se déroulent, la troisième, centrée sur les effets que les deux premières produisent sur les destinataires.
Cette recherche a été conduite dans le cadre de bénévo’Lab, le programme de recherche de la Fondation dont l’initiative vient de ceux qui mènent les actions de la Croix-Rouge française au quotidien. Bénévo’Lab propose à tous les bénévoles et salariés de la Croix-Rouge française de bénéficier d’un soutien technique et scientifique pour répondre à des questions ou difficultés opérationnelles rencontrées lors des missions Croix-Rouge. Chacun dans l’action n’a pas toujours le temps ou le recul nécessaire pour mener seul une réflexion sur son action, les problèmes qu’il rencontre. La Fondation Croix-Rouge propose d’associer, pendant une année, un spécialiste universitaire expert de la question soulevée, en lien constant et direct avec le bénévole ou salarié et ses missions. Au terme de l’appel à propositions lancé début 2021 auprès de tous les bénévoles et salariés de la Croix-Rouge française, un projet proposé par un bénévole et portant sur le thème « familles en lieux de vie informels: comprendre les facteurs d’acceptation de solutions de mise à l’abri pour mieux accompagner vers le logement autonome ». L’appel à bourse de recherche qui fut ensuite lancé fut donc tiré de la proposition initiale d’un bénévole et de sa participation active à sa rédaction aux côtés de la Fondation. Pour que, à travers ce bénévole, les femmes et les hommes engagés au quotidien sur le terrain bénéficient de l’expérience et des résultats de la recherche, et que leur action au service des plus vulnérables en soit renforcée, Chiara Brocco, lauréate de cet appel, a conduit ses travaux en lien direct avec le bénévole à l’origine de ce projet.
Biographie
Depuis une quinzaine d’années, Chiara Brocco mène des recherches universitaires sur les migrations et les conditions de vie de migrants africains en Europe à l’époque contemporaine en analysant les multiples ressorts, les significations et les implications de ces expériences humaines. Elle travaille plus particulièrement sur les conditions de vie de migrants ivoiriens, pour la plupart exilés, habitant dans des squats à Paris et dans la région de Naples en Italie. Ses recherches ont donné lieu à une thèse d’anthropologie qu’elle a soutenue en décembre 2020 à l’EHESS de Paris. Son travail actuel se situe dans le sillage et le prolongement de mes études précédentes.