Le projet de recherche

Les sociabilités alimentaires, levier d’action sociale contre l’isolement et la malnutrition des personnes en situation de précarité ? Vers une approche holistique et inclusive de l'aide alimentaire (SociAlim)

« Comprendre de quelles manières la cuisine et le repas partagés peuvent participer à lutter efficacement contre la précarité alimentaire à travers une approche plus holistique, inclusive et participative de l’aide alimentaire. »

SociAlim propose d’étudier les liens existants entre précarité et alimentation en interrogeant à la fois les conséquences de la précarité sur les pratiques alimentaires mais aussi les possibilités offertes par l’alimentation partagée comme moyen de lutter efficacement contre la précarité et ses corolaires.

Il s’agit d’étudier des ateliers culinaires et des repas partagés destinés à des personnes en situation de précarité présents sur le territoire français, mis en œuvre par la Croix-Rouge française notamment.

Quels sont les impacts des situations de précarité observées sur les pratiques alimentaires des participants (approvisionnement, stockage, préparation, consommation, gestion des déchets…) ? Quels sont les effets de la précarité alimentaire sur leur santé physique, psychique et sociale ? Quels sont les facteurs impliqués (âge, sexe, situations résidentielle, familiale, professionnelle, état de santé…) dans leur précarité alimentaire et dans leurs recours à l’aide alimentaire (formelle ou informelle) ?

Quels sont les bénéfices et les limites perçus par les participants de l’aide alimentaire traditionnelle ? Qui sont les acteurs/structures proposant des dispositifs autour de la cuisine et du repas partagés ? Dans quels buts et selon quelles modalités ? Quelles sont les représentations associées à la précarité et à l’aide alimentaires ? A l’alimentation partagée ? Quelles sont les motivations et les freins (matériels et symboliques) à la participation à ces dispositifs ? Quels sont les bénéfices perçus par les participants et les limites que peuvent comporter ces dispositifs ?

En particulier, nous nous interrogerons sur la manière dont ces nouveaux dispositifs peuvent (ou non) permettre l’acquisition de savoirs et savoir-faire culinaires et nutritionnels tout en favorisant la participation, l’autonomie, l’intégration sociale et la reconnaissance de la diversité socioculturelle des participants (particularismes alimentaires, conditions matérielles d’existence, compétences culinaires, sociabilités alimentaires, manières de table…).

SociAlim s’appuie sur une approche participative et immersive se basant sur les outils de l’ethnographie : observations-participantes (en contexte d’intervention, suivi longitudinal des participants…), entretiens semi-directifs (auprès des participants aux dispositifs, des bénévoles, des porteurs de projets, des intervenants extérieurs..) et recension de la documentation institutionnelle.

La recherche propose une comparaison entre des dispositifs se déroulant dans deux contextes d’intervention :

  • « Hors domicile », par exemple dans les locaux d’une structure associative œuvrant contre la précarité alimentaire (ou plus globalement contre la précarité) comme c’est le cas des dispositifs expérimentaux proposés par la Croix-Rouge française dans le cadre de sa nouvelle stratégie d’aide alimentaire. Parce qu’ils nécessitent l’identification et l’adhésion des participants mais aussi le déplacement de ces derniers en dehors de leur lieu de vie, ce type de dispositifs peut comporter des avantages et des inconvénients intéressants à étudier.
  • « A domicile », et plus spécifiquement au sein d’un habitat partagé (type habitat « intercalaire », Adoma…) proposant, en plus des logements individuels, des espaces collectifs prompts à accueillir ces dispositifs alimentaires. Parce qu’ils se situent directement sur le lieu de vie des résidents et prennent en compte leurs conditions d’existence et leurs réseaux d’interconnaissance, ces dispositifs présentent également un intérêt scientifique certain.

Sur le plan scientifique, le projet SociAlim vise notamment :

  1. une meilleure compréhension des situations de précarité, de leur diversité, de leurs causes et leurs conséquences sur le plan alimentaire.
  2. une meilleure compréhension de l’impact de la précarité alimentaire sur la santé physique, psychique et sociale des individus.
  3. une meilleure compréhension des liens existant entre exclusion/inclusion sociales, cuisine et commensalité.

Par ailleurs, les résultats visent à offrir aux acteurs sociaux impliqués de nombreux bénéfices :

  1. Pour les individus en situation de précarité : une reconnaissance de leur singularité et de la diversité de leurs pratiques et représentations alimentaires, donc une meilleure prise en charge de leurs situations allant vers plus de participation et d’autonomie.
  2. Pour les porteurs de projet et les intervenants : une meilleure compréhension des mécanismes structurels et sociaux impliqués dans la précarité alimentaire, donc la possibilité de mettre en place des actions raisonnées plus efficaces et durables.
  3. Pour les bénévoles : une meilleure compréhension des mécanismes socioculturels impliqués dans l’alimentation, donc moins de tensions sur le terrain et une revalorisation de leurs activités.

 

Biographie

 

Formée à l’anthropologie culturelle, Sonia Bouima est Docteure en sociologie d’AgroParisTech. Très tôt, elle a réalisé que l’alimentation constituait une porte d’entrée privilégiée pour saisir les mécanismes sociaux à l’œuvre dans les inégalités tout autant qu’un fabuleux outil de médiation et d’innovation sociales. Après avoir réalisé une enquête sur l’impact des aires d’accueil sur la santé des Gens du Voyage durant mon master d’anthropologie, elle s’est intéressée à l’alimentation des séniors au cours d’une thèse de doctorat en sociologie réalisée en partenariat avec l’Institut Paul Bocuse et le groupe de protection AG2R La Mondiale. La recherche-action réalisée sur des ateliers culinaires et des repas partagés mis en œuvre « par » et « pour » des séniors dans le cadre de la lutte nationale contre la dénutrition lui a permis d’identifier les enjeux relatifs à l’isolement social ainsi que les apports et les limites de tels dispositifs sur les plans nutritionnel et social. Cet intérêt pour l’alimentation se retrouve également dans les formations qu’elle anime. Depuis 2015, Sonia sensibilise les aides-soignantes des Hospices civils de Lyon aux dimensions socioculturelles de l’alimentation en vue d’améliorer l’accueil et le bien-être des patients à travers le service du repas à l’hôpital. En 2022, elle a mis en place le module « alimentation et société » à l’école internationale de management responsable 3A au sein duquel elle forme les futurs porteurs de projets aux enjeux relatifs à la précarité et à l’aide alimentaires. A l’automne 2022, elle a créé la société HumanEATy qui propose des études et du conseil à toute structure désireuse de développer des services, des produits ou des dispositifs alimentaires raisonnés. Dans ce contexte, j’accompagne également le développement de futurs ateliers de cuisine portant sur l’alimentation végétale ainsi que la réutilisation culinaire des déchets alimentaires.