La 11e édition de l’Instant Recherche, organisée par la Fondation de la Croix-Rouge française, a regroupé plus de 60 participants et s’est tenue dans un contexte où la faim, exacerbée par les crises mondiales, devient un enjeu majeur et complexe. Cet événement a réuni trois intervenantes : Bénédicte Bonzi, Sonia Bouima, et Aline Di Carlo, qui ont partagé leurs expertises et analyses pour repenser l’aide alimentaire face aux nouveaux défis économiques et sociaux. Les échanges ont ouvert des pistes essentielles pour imaginer une transformation de l’aide alimentaire, souvent jugée trop limitée face aux réalités actuelles.
Les intervenantes
- Bénédicte BONZI — Lauréate 2021 des bourses de recherche de la Fondation
Docteure en anthropologie, chercheure associée au Laboratoire d’Anthropologie du Politique de l’Ehess
- Sonia BOUIMA — Lauréate 2024 des bourses de recherche de la Fondation
Docteure en Sciences sociales de l’Université Paris Saclay, AgroParisTech, chercheuse associée au laboratoire S2HEP de l’université Lyon 1, fondatrice de Humaneaty ® : études, conseil et formations en sciences sociales appliquées à l’alimentation
- Aline DI CARLO
Directrice de l’association VRAC – Vers un Réseau d’Achat en Commun – de Paris, engagée dans le partage du « bien manger »
Un contexte de crise mondiale et nationale
La lutte contre la faim prend une ampleur particulière dans un contexte où l’insécurité alimentaire ne cesse de croître, aussi bien à l’échelle internationale que nationale. La crise sanitaire engendrée par l’épidémie de Covid-19 a exacerbé ces inégalités, révélant la fragilité des systèmes alimentaires. Aujourd’hui, de plus en plus de personnes, de tout âge et de tout profil, recourent à l’aide alimentaire. La France et les structures gérant l’aide alimentaire doivent faire face à une augmentation alarmante de la demande, comme l’ont souligné les intervenantes lors de l’événement.
Des choix politiques et économiques à l’origine de la situation
Les trois intervenantes s’accordent sur le fait que la précarité alimentaire est le résultat de choix politiques et économiques qui ont conduit à creuser les inégalités. La lutte contre la précarité alimentaire ne pourra pas se limiter à une simple amélioration des systèmes de distribution de nourriture. Il est nécessaire de repenser les politiques publiques en matière d’alimentation et de soutien aux personnes en situation de précarité alimentaire. Cela implique non seulement de garantir l’accès à une alimentation de qualité pour tous, mais aussi d’agir sur les causes sous-jacentes de la précarité.
Des alternatives pour un « bien manger » pour tous
Face à ces constats, des initiatives alternatives émergent pour pallier les insuffisances du système d’aide alimentaire. Aline Di Carlo, directrice de l’association VRAC – Vers un Réseau d’Achat en Commun, a présenté un modèle innovant, qui permet aux personnes en situation de précarité d’accéder à des produits de qualité à des prix abordables. L’approche de VRAC repose sur l’idée que tout le monde a le droit de « bien manger » et que l’aide alimentaire ne doit pas se limiter à une simple logique d’urgence. En mettant en avant la qualité des produits et en favorisant l’achat en commun, VRAC crée une dynamique d’autonomisation des individus, tout en renforçant le lien social.
Ce modèle solidaire va au-delà de la distribution de denrées de base. Il s’agit de rendre aux bénéficiaires leur dignité en leur offrant la possibilité de participer activement à leur propre alimentation, de choisir ce qu’ils consomment et de partager des repas de qualité. Cela redonne une dimension sociale et humaine à l’aide alimentaire, qui devient un levier d’inclusion et non plus une simple assistance.
Le défi d’un système plus juste
Les trois intervenantes ont appelé à une révision en profondeur des politiques alimentaires, pour sortir d’une logique purement assistancielle et créer des systèmes plus justes et inclusifs. Il s’agit d’une question qui implique des choix politiques et économiques forts, afin de réduire les inégalités sociales générées par le système alimentaire actuel.
Cette réinvention ne pourra se faire sans une mobilisation conjointe des pouvoirs publics, des associations, et des citoyens. L’objectif doit être de garantir à tous, et particulièrement aux plus vulnérables, un droit fondamental : celui de se nourrir correctement, dans le respect de leur dignité humaine.