Le samedi 5 octobre, se tenait le Festival Hazebegi de Bayonne. Une édition marquée par une journée spéciale dédiée aux 160 ans de la Croix-Rouge française. Cet événement a réuni des grands témoins et experts venus nous éclairer sur la musique et les principes du DIH comme arme de résilience et de paix en temps de conflit.
Une journée riche en réflexions et en émotions
Les grands témoins invités à partager leurs récit de vie ont par leur expérience personnelle mis en lumière la relation entre la musique et les principes du DIH. Omar Ibrahim artiste syrien et professeur à l’ESAPB, a évoqué l’art comme un moyen de restaurer la confiance en l’humanité. « Depuis 2011 et la révolution en Syrie, l’art n’est plus un moyen de divertissement ; aujourd’hui, le travail artistique est devenu mon moyen de créer des causes de vie face aux nombreuses causes de mort qui nous entourent. », Rana Kharouf, experte en droit international et conseillère juridique pour le HCR et le CICR, a souligné l’importance dans l’obscurité des conflits de créer et de partager de la “beauté” « La beauté qui se trouve à travers la musique peut constituer la vie dans la mort »En nous interpellant sur son vécu à Damas Rana a mis en lumière l’initiative de nombreux jeunes qui continuaient malgré les bombes à pratiquer le théâtre et la musique. Par ailleurs, Émilie Rammaert, violonceliste, administratrice et Présidente de la Commission de la Croix-Rouge française, a partagé sa passion pour la musique et pour la paix. « J’ai l’espoir que la musique couvre le champ macabre du bruit des armes ». En qualifiant la musique comme un puissant moyen de transcender les maux de la guerre, elle a mis en lumière plusieurs projets au Vietnam, au Panana et plus récemment en Ukraine auquel elle a participé.
Accueil des réfugiés et enjeux d’intégration
Dans le cadre de la table ronde des grands témoins, François Héran, fondateur de l’Institut Convergences Migrations, professeur au Collège de France – Chaire Migrations et sociétés, a remis en perspective l’accueil en France des réfugiés et la répartition inéquitable des personnes jouissant de ce statut en Europe. En déconstruisant les idées recues sur l’asile en France et en comparant la capacité que le pays s’est donnée en matière d’accueil avec des pays comme l’Allemagne ou la Turquie, Francois Héran a souligné la nécessité de préserver les droits fondamentaux face aux menaces croissantes sur les libertés démocratiques.
La musique comme facteur de résilience
D’autres intervenants avec un regard plus scientifique, comme Frédéric Ramel, Professeur des universités en Science politique, Chercheur au CERI, Sciences Po Paris, ont évoqué le pouvoir ambivalent de la musique, capable à la fois de devenir un instrument de torture (comme ce peut être le cas dans le centre de détention de Guantanamo) et de favoriser le lien social et l’espoir. Caroline Brandao, responsable du pôle DIH de la Croix-Rouge française, a mentionné des artistes francais tels que Nougaro et Moustaki, qui ont diffusé des messages de paix face aux guerres de leurs époques et l’utilisation entre autre de l’arme nucléaire (pour en savoir plus : La bande son du droit international humanitaire).
Marta Amico, maîtresse de conférences en ethnomusicologie, a contextualisé la musique comme acte de résistance identitaire et d’intégration, en prenant l’exemple des musiciens touaregs déplacés à Bamako. Frédéric Joli, ancien porte-parole du CICR, a conclu cette série d’interventions en rappelant que la musique véhicule des messages de DIH et de dénonciation des violations dans des contextes de conflits. Même si sur les champs de bataille elle a plusieurs fonction il n’en demeure pas moins qu’elle possède cette capacité unique d’unir et d’élever les cultures dans la compréhension mutuelle.
Réflexions philosophiques et concert exceptionnel
La journée s’est achevée par une lecture philosophique de Francis Wolff, qui a invité l’audience à réfléchir sur le sens de la vie. Par une démonstration de grande qualité, le philosophe à démontrer que malgré les actions destructrices de l’humanité, un sentiment d’humanité persiste, fondé sur la communication et des valeurs communes de bien être collectif. Il a conclu : “La vie n’a pas de sens, elle est même absurde, mais c’est à chacun de nous de lui donner une signification. Je suis conscient que certains d’entre nous, peut-être même tous ici présents, ont déjà trouvé ce sens« .
Le festival a été couronné par un concert exceptionnel des deux plus grands clarinettistes au monde, David Krakauer et Kinan Azmeh, qui ont transporté le public dans un voyage musical inoubliable à travers la Syrie.
Cet événement a été bien plus qu’un simple festival ; il a rappelé à tous que, même dans les heures les plus sombres il est possible d’unir les peuples et de renforcer l’espoir pour un avenir de paix.