Jeudi dernier avait lieu à l’auditorium du journal Le Monde la neuvième édition de la Journée Scientifique de la Santé Humanitaire et Solidaire soutenue par la Fondation Médecins du Monde. La Fondation Croix-Rouge française a, bien entendu, répondu à l’appel une nouvelle fois. Retour sur des réflexions collectives riches et éminemment actuelles sur les liens entre les politiques de santé, les populations précarisées, l’humanitaire et les institutions. Réflexions dans lesquelles la recherche a, plus que jamais, toute sa place.

Photo : @Maya Sensoy/Fondation Croix-Rouge française

Véritable parcours du combattant pour les populations en situation de précarité, l’accès aux soins souffre d’une mythification politico-médiatique de longue date rendant nécessaire sa saisie par la recherche-action. En ce sens, afin de replacer l’accès aux soins des populations précarisées dans ses réalités multiples, de sa dimension institutionnelle à sa dimension humaine, la Fondation Médecins du Monde a pris l’initiative de susciter le dialogue entre chercheurs, professionnels, opérationnels, professionnels de la santé, et acteurs associatifs et institutionnels.

Structuré autour de trois tables rondes et une conférence-débat, ce dialogue a également constitué l’occasion de questionner les échelles de la recherche-action, sa mise en réseau, ses paradigmes, ses méthodes et sa capacité à diffuser et à façonner l’action des humanitaires et des pouvoirs publics.

Après un premier temps fort de la Journée sous la forme d’un témoignage offrant une plongée sans concession dans l’indicible de l’accès aux soins des demandeurs d’asile, nous avons pu suivre une précieuse mise en perspective de l’aide médicale de l’Etat (AME), livrée par Agnès Gillino (Coordinatrice générale Nice, MdM) et Paul Dourgnon (Directeur de recherche, Institut de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé), avant d’aborder l’impact du passage de la mutualité de l’échelle communale à l’échelle départementale au Sénégal, une expérience originale et nouvelle relatée par Valéry Ridde et qui ouvre de nouvelles perspectives pour une Couverture Sanitaire Universelle.

Objet de la seconde table-ronde, la capacité d’agir des personnes est centrale dans l’émancipation des populations précarisées comme dans l’humanitaire, renforçant l’acceptabilité de l’intervention sur les territoires et rendant son action pérenne. Elle a pu être mise en lumière par la présentation de trois recherches très novatrices dans leur approche.

Depuis Mayotte, Charlotte Thoury (Chargée de projet du programme de médiation en santé à Mayotte) a ainsi pu restituer sa recherche fondée sur la cartographie participative. Faisant la part belle à la dimension « action » de la recherche-action, ce projet de recherche a ensuite donné lieu à des « ateliers post-carto » impliquant les habitant.es du bidonville étudié puis à des micro-projets de santé communautaire choisis et portés par ces mêmes habitant.es.

Autre exemple de recherche-action participative à la méthodologie innovante et en essor, Emilie Labeyrie (Psychologue clinicienne) a dévoilé sa recherche sur la Narrative Exposure Therapy (NET) construite autour d’un « photovoix » (photovoice) consistant en la prise de photographies par les communautés étudiées afin d’établir un diagnostic communautaire et de participer à la mise en place de solutions vers le changement social.

Marie Thibaud a clôturé la table-ronde par une intervention au nom du Collectif Stop aux Cancers de nos Enfants qui a pleinement intégré la recherche au cœur de son action via la création de l’Institut Citoyen de Recherche et de Prévention en Santé Environnementale.

Une conférence-débat réunissant Jean-François Corty (Médecin, Vice-Président de MdM), Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky (Directrice de l’Institut Convergences Migrations), Cécile Riou (Secrétaire générale adjointe de la Commission Nationale Consultatie des Droits de l’Homme) et Patrick Boucheron (Professeur au Collège de France sur la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe-XVIe siècle ») a ensuite permis de discuter de la prééminence des stigmatisations sociales et des préjugés dans les discours politiques et médiatiques, et de l’évincement concomitant des productions scientifiques de ceux-ci.

Enfin, la Journée s’est conclue par la présentation d’une panoplie de démarches innovantes au service des populations éloignées des systèmes de santé. Pour les découvrir, et si cet avant-goût a éveillé votre curiosité, n’hésitez pas à vous rendre sur le compte YouTube de Médecins du Monde qui y publiera très bientôt la captation vidéo de cette Journée à laquelle la Fondation Croix-Rouge Française a été ravie d’assister.

Crédit photo du haut : @Médecins du Monde