Tetiana Stoianova est docteure en droit, à l’Université d’Odessa. Exilée ukrainienne, venue en France dans le cadre du programme PAUSE (Programme d’aide à l’accueil en urgence des scientifiques en exil), elle a reçu une bourse de recherche de la Fondation pour son projet : « Améliorer l’intégration des réfugiés ukrainiens en France et la réduction des violences psychologiques ».
Comment en êtes-vous arrivée à postuler en France pour cet appel à projets ?
Ayant fui l’Ukraine dès le début de la guerre en février 2022, je me suis trouvée moi-même en situation de réfugiée. Je me suis portée volontaire pour travailler avec la Croix-Rouge en Croatie, mon premier pays d’accueil. Puis j’ai envoyé plusieurs propositions en réponse à un programme destiné à soutenir les universitaires en exil. L’un des projets m’a menée à une collaboration avec Hans Rocha, maître de conférence en psychologie sociale à l’Université Grenoble Alpes. C’est lui qui m’a suggéré de répondre à l’appel à candidatures que venait de lancer la Fondation.
Votre étude traite des violences psychologiques, et porte une attention toute particulière à la solitude. Pouvez-vous expliquer cette approche ?
Au cours des deux dernières années, mon champ de recherche s’est concentré sur la violence domestique – à la fois sous l’angle juridique et psychologique. En effet, je possède une double casquette. J’ai l’équivalent d’une licence en droit et un doctorat en psychologie. J’ai d’abord eu à traiter de la violence psychologique en Ukraine dans le cadre d’une mission de soutien juridique aux victimes. J’ai constaté que la solitude ou la peur de la solitude constituaient des facteurs qui rendaient possibles les violences psychologiques. Certaines personnes sont prêtes à accepter des relations néfastes, humiliantes, dégradantes pourvu qu’elles leur permettent de ne pas se sentir seules socialement. Cela est dû au fait que certains besoins ne sont satisfaits que par les liens sociaux.
En quoi cet angle vous semble-t-il pertinent pour aborder la question de la protection des réfugiés ukrainiens ?
Le statut de réfugié est un traumatisme en soi. Il coupe brutalement les liens sociaux existants et les exilés se retrouvent dans une situation d’isolement, dans un univers totalement inconnu. Cette situation accroît le risque de subir des violences. C’est pour cette raison j’ai entrepris d’évaluer le degré de solitude parmi les réfugiés ukrainiens.
Évidemment, les réfugiés font face à de multiples difficultés : logement, santé, travail, alimentation, argent… Mais la solitude est un problème sous-estimé qui peut avoir un impact désastreux sur la santé et être un catalyseur pour les violences psychologiques.
Crédit photo du haut : @Arie Kievit