Le 5 novembre dernier, la Fondation Croix-Rouge française organisait la 5e édition de ses Rencontres annuelles à l’Université Panthéon-Sorbonne, en partenariat avec son école de science politique. Retour sur cette édition enrichissante qui a réuni autour de la table des praticiens de l’aide humanitaire et sociale et des chercheurs en sciences humaines, pour débattre de thèmes cruciaux du secteur alliant transition humanitaire, bénévolat et changement climatique.
Le Dr Caroline Cross, présidente de la Croix-Rouge française, et Stéphanie Tchiombiano, maîtresse de conférences à la Sorbonne, ont ouvert le bal de cet événement organisé par la Fondation Croix-Rouge française en partenariat avec l’école de science politique de la Sorbonne.
Caroline Cross, présidente de la Croix-Rouge française et de la Fondation Croix-Rouge française

L’ordre du jour imposait d’aborder la situation alarmante de l’humanitaire mondial, comme l’a souligné Virginie Troit, directrice générale de la Fondation. Avec Stéphanie Tchiombiano, elles ont rappelé l’importance de renforcer la coopération face à la fin de l’USAID et à la baisse mondiale de l’aide publique au développement prévue pour 2025. Philippe Ryfman, professeur à la Sorbonne, a ajouté que cette tendance touche aussi les subventions du secteur associatif et humanitaire en Europe, où les ressources diminuent tandis que les besoins augmentent avec la précarisation des sociétés. Le continent africain est également concerné, particulièrement affecté par les coupes budgétaires, comme l’a souligné Anicet Zran, maître de conférences à l’université Alassane Ouattara de Bouaké en Côte d’Ivoire. Cette évolution remet en cause le modèle international de l’aide et pousse les organisations humanitaires africaines à repenser leur indépendance financière.

Thème 1 : Obstacles et perspectives de l’action humanitaire locale
Encadrée par Monique Beerli, maîtresse de conférences au Global Studies Institute à Genève, cette première table ronde a réuni Jean Émile Mba, politiste à l’université de Maroua au Cameroun, qui a présenté ses recherches en soulignant l’importance de parler de transition humanitaire plutôt que de localisation, afin de mieux saisir les transformations du secteur. Henri Leblanc, directeur général adjoint d’ALIMA, a appuyé cette idée, rappelant qu’il ne faut pas se limiter à la dynamique de la localisation dans un monde interconnecté. À travers son analyse des réseaux d’ONG au Cameroun et dans la région du lac Tchad, Léopold Ngueuta Nouffeussie, politiste à l’université de Maroua, est allé dans le même sens. Enfin, Annette Msabeni, responsable de la transformation organisationnelle à la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), a illustré cette évolution avec l’exemple de la Croix-Rouge kényane, devenue un acteur clé de la localisation de l’aide, mais aussi un acteur régional et international majeur.

De gauche à droite, Virginie Troit, Henri Leblanc, Annette Msabeni, Monique Beerli
Thème 2 : Le bénévolat en pleine mutation
Alors que l’engagement demeure central dans la vie de millions de Français, la table ronde a questionné son rôle : béquille, auxiliaire ou substitut de l’État ? Cette discussion modérée par Dan Ferrand Bechmann, professeur émérite à Paris 8, la question de la mutation du bénévolat sous toutes ses formes a été abordée, dans un pays comptant près de 1,6 million d’associations, comme l’a rappelé Hubert Pénicaud, responsable démocratie interne à la Croix-Rouge française. Jordan Pinel, enseignant-chercheur à Cergy Paris université, a illustré ce dynamisme à travers l’accueil d’exilés ukrainiens en milieu rural. Ces évolutions interrogent aussi la relation aidants/aidés, notamment lorsque des bénéficiaires migrants deviennent bénévoles, comme l’a souligné Leila Drif, anthropologue à la Maison des sciences de l’homme du Pacifique.

Thème 3 : Les conséquences sanitaires des changements climatiques
Lors de cette table ronde encadrée par Sylvie Ollitrault, directrice de recherche à l’EHESP, Modou Ndiaye, géographe de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar a insisté sur la responsabilité scientifique envers les populations vulnérables, rappelant que les données collectées doivent réellement les servir. Chloé Orland, écologue à Action contre la Faim, a souligné le caractère chronique du changement climatique et la nécessité pour l’humanitaire d’aller au-delà de la réponse d’urgence afin de renforcer la résilience, en plaçant l’humain et son environnement au centre. Jean-Marc Goudet, sociologue et médecin à l’Inserm, à travers sa recherche sur les effets des chaleurs extrêmes sur la santé mentale des mères au Sénégal, a montré que les populations vulnérables détiennent une expertise qui peut orienter les démarches à adopter face aux événements climatiques extrêmes, preuve que le Nord a beaucoup à apprendre des Suds. Dans le même esprit, Philippe Testa, responsable santé et direction des risques à la Croix-Rouge française, a souligné que le délitement des systèmes de santé et la succession des crises climatiques conduisent désormais à faire de l’humanitaire en France et en Europe.

Ce rendez-vous annuel soulignait l’importance du dialogue entre science et pratiques, avec pour objectif ultime d’améliorer durablement les réponses humanitaires et sociales. Une belle occasion de renforcer les liens entre chercheurs, praticiens et décideurs pour relever ensemble les défis du monde contemporain.
2’30 pour avoir un aperçu en images de la journée
Les prix de recherche 2025
En clôture de la journée, la Fondation décernait ses prix de recherche 2025, récompensant des projets innovants et prometteurs ou des carrières dans les champs humanitaire et social.
La Fondation a décerné trois prix de recherche récompensant Maëlle Calandra, Rose André Faye et Anne Marie Moulin pour leurs parcours académiques brillants et innovants.

Photos : ©B. Blondel pour la Fondation Croix-Rouge française




