Le mercredi 25 septembre 2019, la Fondation Croix-Rouge française organisait la 2ème édition de ses Rencontres annuelles pour la recherche humanitaire et sociale. Ces rencontres, organisées cette année à la Cité internationale universitaire de Paris, en partenariat avec l’Agence universitaire de la Francophonie, ont rassemblé près de 100 personnes, parmi lesquelles des académiques, des opérationnels, des journalistes, des étudiants, des responsables d’ONG, des acteurs du Mouvement Croix-Rouge.

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Diffuser les savoirs créés

Cette journée était l’occasion en premier lieu de présenter les résultats des travaux des huit chercheurs soutenus et accompagnés par la Fondation au cours de l’année 2017-2018. Les huit lauréats ont exposé les grandes lignes de leurs recherches, toutes menées en Afrique subsaharienne francophone, avant de les mettre en perspective et de les soumettre au débat, au cours de trois tables rondes thématiques, rassemblant académiques et opérationnels. Conformément à l’engagement de la Fondation de diffuser les savoirs créés, la journée avait pour objectif de permettre la rencontre et le dialogue entre les différents acteurs des champs humanitaire et social et de favoriser un échange libre et ouvert sur les savoirs et les pratiques.

Dans son  discours inaugural, le Professeur Jean-Jacques Eledjam, président de la Croix-Rouge française et de la Fondation, s’est  dit  fier du chemin parcouru par la Fondation depuis son lancement, il y a un  an, et a salué le travail mené par le Professeur Jean-François Mattei, son prédécesseur,  qui a été à l’initiative de cette structure de réflexion.

La question des enjeux et de la pertinence de la recherche en sciences humaines et sociales  a été abordée par le Professeur Gilles Carbonnier, vice-président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et par la Professeure Marie-Thérèse Mengue, chercheure en sociologie à l’Université catholique d’Afrique centrale (UCAC) au Cameroun.

Visionnez ci-dessous en images et quelques interviews l’essentiel de la journée

Des tables rondes avec trois thématiques en débat

Les travaux scientifiques menés par les lauréats des bourses de la Fondation ont apporté cette année un éclairage particulier sur 3 sujets au cœur de l’action humanitaire : sécurité et autonomie alimentaire, accès aux soins et risques climatiques.

Thème 1 : Sécurité et autonomie alimentaire

Le débat sur ce thème s’est engagé à partir des travaux de :

  1. Mme Kelly Poulet : « Autonomie : de l’éthique à la pratique. Le cas de la FONGS-action paysanne au Sénégal » (lire le Papier de Mme Poulet)
  2. Mme Roberta Rubino : « Pour une sécurisation alimentaire durable. Rôle et potentialité des microentreprises dans l’approvisionnement et la transformation agroalimentaire en milieu urbain burkinabè » (lire le Papier de Mme Rubino)
  3. M. Edouard Kouadio Kouassi : « Lutte contre la malnutrition en Côte d’Ivoire : bilan et perspectives d’appropriation des projets WASH et ATPC par les acteurs locaux de Bounkani » (lire le Papier de M. Kouassi)

Mme Roberta Rubino et M. Edouard Kouassi Kouadio ont tous deux abordé les résultats contrastés d’actions humanitaires destinées à lutter contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire, tandis que Mme Kelly Poulet relate l’histoire d’une Fédération d’ONG paysannes sénégalaises luttant pour une économie durable et équitable.

Après avoir interrogé l’efficacité de l’action humanitaire à l’heure où, selon le dernier rapport de la FAO, le nombre de personnes souffrant de faim dans le monde est en hausse, les trois chercheurs ont rejoint la table-ronde modérée par M. Franck Galtier, chercheur en Économie au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), sur le thème suivant : « Sécurité et autonomie alimentaire : l’éthique humanitaire en question ». Le débat a également été nourri par M. Cyril Lekiefs, référent technique Sécurité alimentaire chez  Action Contre la Faim (ACF), qui a rappelé l’importance de l’analyse contextuelle et des comportements dans la mise en place des projets.

Visionnez ci-dessous l’enregistrement video de cette 1ère thématique

Thème 2 : Accès aux soins

Cette thématique a été introduite par les présentations de :

  1. M. Anicet Toily Zran : « Les ONG face aux défaillances du système sanitaire dans le Nord de la Côte d’Ivoire : palliatif ou substituant ? » (lire le Papier de M. Zran)
  2. Mme Tantely Voahiriana Andrianantoandro : « Recours aux soins des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans dans les zones fortement soumises aux aléas climatiques » (lire le Papier de Mme Andrianantoandro)
  3. Mme Roseline Gbocho : « Accompagnement de la fin de vie des enfants en Côte d’Ivoire : le care saisi sous l’angle du don » (Papier à venir).

Tous trois, via des sujets différents, ont questionné les conditions de réussite des actions destinées à surmonter les obstacles au recours aux soins. Ils ont montré que l’efficacité de l’action humanitaire dans l’amélioration de l’accès aux soins dépend notamment de la façon dont elle est menée en concertation avec les autres acteurs impliqués (relation bénévoles et personnel médical en hôpital en Côte d’Ivoire ; collaboration entre tradipraticiens et personnel de santé pour une sensibilisation concertée à Madagascar ; relation entre ONGI, ONG locales et Etat en contexte post-urgence en Côte d’Ivoire).

La deuxième table ronde, modérée par le Dr Louis Pizarro, directeur de l’ONG Solthis, autour de la question suivante « Quelle action concertée et intégrée pour surmonter les obstacles au recours aux soins ? » a permis de mettre leurs travaux en perspective. Leurs conclusions ont suscité un débat animé au sein d’un panel  rassemblant le Dr Khoudia Sow, médecin et anthropologue sénégalaise et Mme Sophie Zaccaria, responsable du plaidoyer chez Médecins du Monde (MdM). Cette dernière  a rappelé que MdM avait été la première ONG à recruter une chercheure anthropologue à temps complet.

Visionnez ci-dessous l’enregistrement video de la 2ème thématique

Thème 3 : Risques climatiques

Cette dernière thématique a été lancée par deux présentations :

  1. M. Georges Djohy : « Configurations et dynamiques de l’aide humanitaire dans les zones d’inondations de la vallée du fleuve Niger au Nord-Bénin » (lire le Papier de M. Djohy)
  2. Mme Mariama Nouhou Koucha : « Evaluation économique des dispositifs de gestion des risques climatiques : le cas du risque sécheresse (lire le Papier de Mme Nouhou Koutcha)

Les deux chercheurs ont exposé leurs travaux sur la perception des populations vis-à-vis des risques climatiques (inondations au Bénin et sécheresse au Niger) et des dispositifs d’aide destinés à les prévenir ou les gérer. Cette place des perceptions locales dans la prévention et la gestion des risques, qu’ils ont mise en avant en présentant leurs conclusions, a par la suite été discutée au cours de la troisième table ronde, modérée par Mme Anne-Cécile Bras, journaliste environnement sur Radio France internationale (RFI). La question de la prise en compte des risques climatiques par les populations a notamment été abordée par les panelistes Mme Sandrine Revet, chercheure en anthropologie au CERI de Sciences Po Paris, et Mme Thuy-Binh Nguyen, référente technique Réduction des risques de catastrophe à la Croix-Rouge française. Les intervenants ont rappelé qu’il ne suffisait pas que les populations soient conscientes du risque pour changer leurs comportements, comme le démontre la recherche menée par M. Georges Djohy dans les zones inondées du Nord-Bénin (lien vers l’article).

Visionnez ci-dessous l’enregistrement video de la 3ème thématique

« Penser ce que l’on fait »

La journée  a été clôturée par le Professeur Jacques Bringer, président du Conseil scientifique de la Fondation. Il  a rappelé l’importance de « penser ce que l’on fait », en citant la philosophe Hannah Arendt. Cette prise de recul pourrait réduire les effets collatéraux d’actions humanitaires qui peuvent à leur insu causer du mal aux populations bénéficiaires.

Après avoir remercié les partenaires financiers et institutionnels de la Fondation, il a terminé son discours en rappelant  l’utilité sociale de la Fondation et l’importance de l’appui qu’elle apporte  à la recherche fondamentale et appliquée, comme  à sa diffusion. Il a souligné la nécessité de poursuivre les échanges et de favoriser la collaboration entre les mondes de la recherche et de l’action. C’est bien là le cœur de la mission de la Fondation.

Aller plus loin :

De g. à d. : R. Rubino, R. Gbocho, E. Kouassi, T. Andrianantoandro, G. Djohy, M. Nouhou Koutcha et A. Zran