Quels sont les ressorts de l’engagement ? Quelles sont les motivations des bénévoles qui s’engagent ? Pourquoi renoncent-ils parfois ? Bénédicte Bonzi, docteure en anthropologie et Benoît Prieur, bénévole à la Croix-Rouge de Lyon se sont interrogés ensemble sur la question de l’engagement dans le cadre de la première édition de Benevo’Lab, un dispositif qui permet de mettre sur pied des projets de recherche à partir de problématiques issues du terrain. Avec un objectif clair : donner à la Croix-Rouge des outils pour comprendre, analyser et réagir face à l’engagement de ses plus de soixante mille bénévoles, alors même que la pandémie de Covid-19 a posé de nouveaux défi à cet engagement.

Pour vous, c’est quoi l’intérêt de Bénévo’Lab ? 

Benoît Prieur – Bénévo’Lab permet de faire un pas de côté, pour observer et analyser l’expérience de bénévoles de la Croix-Rouge sur tout le territoire, afin d’en tirer des enseignements voire des recommandations. Ce dispositif offre la possibilité de capitaliser sur les expériences de tous les bénévoles, qui peuvent être utiles en retour à tous les bénévoles.

Benedicte Bonzi – En effet, le quotidien d’un bénévole est principalement une succession d’actions et souvent de réponses à l’urgence ou l’imprévu. La recherche va proposer de prendre un peu de recul pour mettre des mots sur les gestes et les intentions ; et cela va petit à petit montrer que ce qui semblait évident ne l’est pas vraiment. J’ajouterais que lorsque le chercheur s’approche du bénévole et de sa question, il le rassure quant à son attitude héroïque, pour le laisser apparaître moins parfait, plus humain. Il reste cependant exemplaire dans cette capacité à lever le voile sur ses doutes et à autoriser le chercheur à bousculer les évidences.

Qu’est-ce qui vous a le plus attiré dans le dispositif Bénévo’Lab

BP – Sans aucun doute, la mise en place d’une démarche scientifique rigoureuse avec un objectif précis : l’amélioration des conditions d’exercice du bénévolat au sein de la Croix-Rouge. C’est un outil très professionnel à la disposition des bénévoles. Sa promotion sur le terrain est donc fortement souhaitable pour que chacun puisse s’en emparer afin de résoudre des problèmes pour son unité locale bien sûr, mais, de fait, pour toute la Croix-Rouge française.

BB – En tant que chercheure, ce qui m’a le plus attiré est la dimension de recherche-action inhérente au dispositif. Avec Benoît, je suis très bien tombée ! J’ai eu, face à moi, une personne qui avait en tête une question de recherche, des hypothèses, une méthodologie, mais qui manquait de temps pour étayer sa réponse. Benoît a très vite identifié les enjeux. En étant déjà dans une approche réflexive, il a permis à cette recherche de lever des tabous et de mettre en mots une problématique de fond autour de la souffrance et des difficultés des bénévoles.

Comment voyez-vous la suite de ce travail co-construit

BP – Les conclusions de l’étude révèlent l’existence de mécanismes récurrents à la Croix-Rouge française en matière d’engagement et de désengagement. C’est intéressant, car la connaissance de ces mécanismes va permettre d’adapter certains processus au mieux, toujours dans le but d’une expérience bénévole la plus efficace et la plus épanouissante possible pour l’individu.

BB – La suite, j’aimerais qu’elle soit expérimentale… Très concrètement, ce travail a déjà donné lieu à l’écriture de saynètes à jouer lors d’un théâtre forum. Il s’agirait, par la mise en scène, de permettre aux bénévoles de changer de rôle, et d’observer sous un angle nouveau un quotidien tellement intense que la prise de recul devient impossible. Et finalement, de mettre en jeu les maux présents ou à venir. Cet outil aurait pour but d’agir avant que les bénévoles ne souffrent, d’éviter que les mêmes situations se répètent, et de faire le nécessaire pour que l’engagement reste une expérience positive, enrichissante pour soi et pour son entourage.

Crédit photo du haut : @Croix-Rouge française