À situation exceptionnelle, mobilisation exceptionnelle! Au début de l’année 2020, la Fondation Croix-Rouge française, pressentant l’émergence d’une crise sans précédent, lance plusieurs «appels flash». Tandis que la rédaction des appels à projets, l’examen des candidatures, la sélection des lauréats et la signature des conventions s’étalent généralement sur 6 mois, les processus sont accélérés pour mobiliser la recherche dans l’urgence, en l’espace de quelques semaines. Le 1er avril 2020, l’épidémiologiste Emilie Mosnier est la première chercheure sélectionnée, pour une étude menée auprès de la Croix-Rouge française sur l’impact de la crise sur les bénévoles. Six autres projets seront lancés dans la foulée.

Trois projets menés en urgence sur le sol français, trois autres dans les pays du sud

Comment garantir la continuité d’actions indispensables à la lutte contre l’épidémie en s’appuyant sur les bénévoles ? Comment préparer, former, accompagner, gérer ces personnes qui donnent de leur temps pour assurer des missions exigeantes, sensibles, cruciales ? Les bénévoles, cette force essentielle, de première ligne, est le sujet central de trois projets de recherche qui se sont déployés sur le territoire français. Isabelle Parizot, sociologue, a voulu analyser les nouvelles formes d’engagement et les nouvelles vulnérabilités nées des mesures sanitaires, en s’intéressant tout particulièrement au dispositif « Croix-Rouge chez vous ». Les motivations de l’engagement bénévole font l’objet d’une étude menée en partenariat avec l’Institut Pasteur sous la responsabilité de Tamara Giles-Vernick, anthropologue. Cette recherche examine notamment la perception de la crise sanitaire par les bénévoles, face aux informations sécuritaires, consignes opérationnelles et rumeurs. Enfin, Emilie Mosnier, médecin infectiologue et chercheure en Santé publique, s’est penchée sur l’impact psychosocial de l’épidémie sur les bénévoles et les mécanismes d’adaptation qu’ils ont développés face à la crise. Elle a d’ores et déjà produit un rapport intermédiaire et dévoilé ses premières réflexions auprès de la direction régionale PACAC (Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse) de la Croix-Rouge française. Trois autres projets, portant également sur l’engagement volontaire, situés en Haïti, à Madagascar et au Sénégal, devraient rendre leurs premières conclusions en 2021. Celui que mène l’anthropologue Sévérine Carillon au Sénégal est intégré à un projet plus vaste, portant sur l’impact de l’épidémie sur plusieurs pays d’Afrique.

Le temps de l’urgence et le temps de la recherche

L’ambition de la série de recherches lancées autour du Covid-19 est bien de fournir des réponses concrètes aux acteurs de terrain. Dès le début de la crise, l’OMS a d’ailleurs engagé les Sciences humaines et sociales à s’intéresser à la pérennité de l’engagement bénévole dans la perspective d’une crise longue. Ces recherches sont menées en collaboration avec les responsables du plan d’action d’urgence exceptionnel mis en place par la Croix-Rouge française.

Mais, naturellement, le temps de l’urgence n’est pas le temps de la recherche. Et ce pour de nombreuses raisons. Par exemple, la passation de questionnaires auprès des bénévoles nécessite de constituer des échantillons à partir de bases de données dont l’accès est strictement réglementé ; ce qui mobilise des questions éthiques et techniques importantes. Faciliter l’accès des chercheurs aux équipes de terrain et lieux d’intervention en situation d’urgence nécessite d’aborder des questions d’ordre organisationnel complexes. Enfin, une fois les données collectées, vient le temps de l’analyse, des comparaisons et du suivi, parfois à long terme. C’est d’autant plus vrai quand on s’intéresse aux publics vulnérables comme le fait actuellement la sociologue Cyrine Gardes dans sa recherche sur l’impact de la crise sur les travailleurs pauvres et précaires.

Dans ce contexte, le rôle de la Fondation est celui d’un intermédiaire qui cherche le juste équilibre, entre respect du rythme de la recherche, et nécessité de fournir des résultats opérationnels. Il était important de mettre immédiatement des chercheurs sur le terrain. Il est essentiel de produire rapidement des rapports intermédiaires et des pistes de réflexion auprès des opérationnels tout en respectant l’exigence méthodologique.

Mais c’est sans doute à la fin de 2021 que les recherches menées sur cette crise du Covid-19 pourront donner leur pleine mesure, et être présentées, confrontées, comparées lors de webinaires, dans des publications, ou, mieux encore, à l’occasion du retour tant attendu des événements et débats en chair et en os.

Photo du haut : ©FICR

Photos au centre : ©Croix-Rouge française